
La réponse de la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi aux persécutions visant les Rohingyas en Birmanie est «indéfendable», a déclaré mardi le Premier ministre malaisien Mahathir, en marge d'un sommet de l'Asean à Singapour, appelant la Birmanie à reconnaître la citoyenneté de cette communauté musulmane.
Mahathir Mohamad s'est dit «très déçu» de l'échec de la dirigeante à défendre les Rohingyas, minorité musulmane apatride en Birmanie majoritairement bouddhiste.
Sous la menace de l'armée et de milices bouddhistes, plus de 720.000 membres de cette minorité musulmane apatride dans ce pays majoritairement bouddhiste, ont fui la Birmanie depuis août 2017.
Victimes d'un «génocide» selon l'ONU, ils vivent depuis dans d'immenses campements de fortune au Bangladesh. Le Premier ministre de Malaisie, pays majoritairement musulman, s'exprimait moins d'une heure avant de rejoindre la dirigeante birmane pour une photo collective avant l'ouverture du sommet annuel de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), le genre de rencontres où elle était naguère honorée en tant qu'icône de la démocratie.
«Quelqu'un qui a été emprisonné ne devrait pas infliger cette souffrance et ne devrait pas l'infliger aux malheureux», a-t-il déclaré en faisant allusion aux longues années de résidence surveillée endurées par Aung San Suu Kyi.
«Mais il semble que Aung San Sui Kyi essaie de défendre ce qui est indéfendable», a-t-il ajouté.
Aung San Suu Kyi est très critiquée pour son manque de compassion et d'action devant le sort réservé à la minorité rohingya par l'armée.
Cette dernière nie toute exaction de masse. Mahatir Mohamad a également appelé la Birmanie à reconnaître la citoyenneté des Rohingyas.
«Quand la Malaisie est devenue indépendante en 1957, nous avions des gens d'origine étrangère (...) mais nous les avons tous acceptés», a-t-il dit. «Ce sont maintenant des citoyens, ils jouent pleinement leur rôle dans la politique du pays, ils sont libres et ne sont pas détenus en raison de leur race ou de quoi que ce soit de ce genre».
A la veille de l'ouverture du sommet, Amnesty International a retiré son prix d'«ambassadrice de conscience» que l'ONG avait attribué en 2009 à Aung San Suu Kyi, estimant qu'elle avait «trahi les valeurs qu'elle défendait autrefois».
Aung San Suu Kyi est restée muette sur le sujet mardi à Singapour. Par le passé, elle avait évoqué dans la presse internationale à propos de la crise des Rohingyas un «iceberg de désinformation». La première étape d'un projet controversé de rapatriement des réfugiés est prévue pour jeudi.
Pour l'ONU les conditions ne sont pas réunies pour ce retour.
Effrayés, des réfugiés rohingyas fuient le processus de rapatriement
«Je ne vois pas de futur pour ma famille si nous sommes renvoyés de force à la maison sans la confirmation que nous aurons la pleine citoyenneté birmane», a expliqué un réfugié rohingya prévu pour partir cette semaine, cité par l'AFP.
Il a préféré conduire sa famille dans un autre camp de la région pour échapper au processus de rapatriement vers la Birmanie, a-t-il dit. Des Rohingyas fuient les camps de réfugiés du Bangladesh où devrait débuter jeudi leur rapatriement. Le Bangladesh accueille sur son sol près d'un million de membres de cette minorité musulmane persécutée en Birmanie voisine.
Après de multiples retards, le gouvernement bangladais a promis de débuter jeudi le retour de réfugiés vers la nation à majorité bouddhiste, à partir d'une liste approuvée par la Birmanie.
Ce processus est basé en théorie sur le volontariat.
Mais la perspective d'un retour a semé la panique dans les camps de fortune. Des familles prévues pour être parmi les premières à partir ont ainsi quitté leur domicile enregistré pour éviter d'être emmenées, selon des responsables communautaires rohingyas.
«Les autorités (du Bangladesh) ont essayé de façon répétée de motiver ceux sur la liste de rentrer.
Mais à la place, ils ont été effrayés et ont fui pour d'autres camps», a déclaré Nur Islam, du camp de Jamtoli.
L'accord entre les deux pays prévoit un premier rapatriement de 2.260 Rohingyas à partir du 15 novembre, à un rythme de 150 personnes par jour.