Economie

La Mina 4 : Retour sur un projet de voiture algérienne des années 1960

Publié par Par Mahdi Boukhalfa le 09-11-2014, 17h28 | 289
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Symbole du renouveau de la coopération industrielle algéro-française, la première voiture fabriquée en Algérie sort lundi de l’usine Renault de Oued Tlelat, près d’Oran, 47 ans après un projet de voiture algérienne qui a fait long feu, la «Mina-4».

Le lancement officiel de la fabrication de la «Symbol» à l'usine Renault de Oued Tlelat marque le retour sur le marché algérien de l'automobile du constructeur français, qui assemblait en «CKD» (en pièces détachées importées) jusqu'aux années 1970 trois de ses plus populaires modèles de l'époque: la R4, la R8 et la R10.

C'était entre les années 1960 et 1972. Dans ses ateliers d'Alger, dans la zone industrielle d'El Harrach, Renault faisait en effet le montage de ses fameuses R8 «Major» ou la «Gordini», avec son pot d'échappement ronflant qui faisait la renommée de cette voiture, nerveuse, accrocheuse, avec ses roues arrières de 12 pouces légèrement inclinées vers l'extérieur pour le modèle «Gordini».

Des usines d'Alger sortait également la 4L, la fameuse Renault 4, construite en série en Algérie jusqu'au milieu des années 1970. Et, avant, il y avait la 4CV et la Dauphine, une voiture avec trois vitesses dont le modèle «Ondine» faisait la fierté du constructeur.

C'était le temps d'El Hadj M'hamed El Anka, de Guerrouabi, de «Lehmam», de l'émigration et des foyers «Sonacotra», d'une génération d'algériens qui allaient encore au bureau en «costume cravate», du café Tlemçani, des duels épiques entre le Mouloudia d'Alger et l'USMA, des vacances d'été aux Baléares sans passeport.

De l'Algérie indépendante, également,qui entamait doucement son entrée dans le monde industriel, qui se préparait aux futures batailles pour son développement, à la vague des nationalisations, dont celle de ses hydrocarbures.

Que de souvenirs avec ces R8 Majors, et, surtout la dauphine «Gordini», avec ses enjoliveurs, une voiture alors en vogue dans l'Algérie post-indépendance, qui renaissait à la vie, qui aspirait à la modernité.

Et c'est un peu dans cetteambiance survoltée de l'Algérie «Mecque des révolutionnaires» qu'est né un projet industriel, celui d'une voiture algérienne. C'était le projet Mina 4, un concept de modèle tout terrain (4X4), d'une puissance fiscale de 5 Cv avec une charge utile de 300 kg, dont un prototype a été construit par un carrossier algérien, El Mokrani.

L'information avait fait en son temps grand bruit: une voiture algérienne, construite par des algériens! «La Mina 4 est une victoire de l'autogestion», s'extasiait le SG de l'UGTA Mouloud Oumeziane en Une d'El Moudjahid, au lendemain de la présentation à la presse du prototype, le 23 septembre 1967, moins d'un mois (9 août 1967) après la création par ordonnance n.67-150 de la Sonacome.

Ah! L’autogestion

El Moudjahid écrit à la Une de l'édition du 24 au 25 septembre 1967: «Voici la première voiture algérienne», et reprend ensuite la déclaration du secrétaire général de l'UGTA, lors de la présentation du prototype: «la Mina 4 est une victoire des travailleurs de l'Autogestion».

Le journal, qui publie des photos de la voiture, reste cependant concentré sur les événements politiques et sportifs de l'époque: «Vainqueur de l'USMA (3-2), le CRB remporte le trophée de l'Amitié», rapporte le journal, qui annonce en grosses manchettes que «les USA ont menacé la Chine d'une attaque atomique».

En pages intérieures, et au dessus de l'encadré sur la Mina 4, Belaid Abdeslam, alors ministre de l'industrie et de l'énergie, déclare à la première réunion du conseil d'administration de la SNS (société nationale de Sidérurgie): «La sidérurgie doit répondre à nos besoins croissants en produits actuellement importés» (sic).

Le prototype de la Mina 4, dont la forme ressemble à l'ex-Méharie de Citroen, a été conçu par de jeunes techniciens algériens. «Conçue par huit jeunes techniciens, la voiture nationale est née. La cérémonie de présentation du prototype de voiture algérienne s'est déroulée samedi au siège du fabricant algérien, El Mokrani», poursuit El Moudjahid.

Pour le SG de l'UGTA, Mouloud Oumeziane, «cette réalisation est un événement très important», et, s'adressant à l'entreprise «autogérée» El Mokrani, il a ajouté: «l'organisation syndicale est prête à vous apporter toute l'aide voulue».

Il termine son allocution par «les travailleurs et techniciens d'El Mokrani ont administré la preuve éclatante que l'autogestion appliquée correctement et sans entraves peut donner des résultats très importants».

Dans les pages Sport de cette édition, il y avait surtout le compte rendu de la finale du tournoi de l'amitié, remporté par le Chabab de Belcourt (3-2) devant l'USM d'Alger. La composition des deux équipes laisse rêveur: il y avait, pour les «Usmistes», les Berrahma, El Okbi, Djermane, Meziani, Oulkhiar, Bernaoui, et, pour le Chabab, Lalmas, Abrouk, Hamiti, Djemaa, Selmi, Khalem, Matem, Lemoui.

Dans les salles de cinéma, il y avait au Colisée (actuel Mouggar) et au Sierra Maestra «Et pour quelque dollars de plus», avec Clint Eastwood et Lee Van clef, au Camera (Belouizdad) «Mabuse attaque Scotland Yard», ou à la cinémathèque d'Alger «Les nuits de Cabiria», de Federico Fellini, la séance débutant à 22.30.

Dans les librairies de livres d'occasion à Bab El Oued, «Anna Karenine» côtoyait «Dracula», «Moi, Robot» d'Isaac Asimov trônait à côté de «les raisins de la colère», sur des rayons où traînaient parfois des albums de Blek, Rouletabille ou Zembla, et même des «33 tours» des Beatles, d'Elvis, Farid Al Atrach, «Abdelhalim».

«El Bahdja» des années 1970, des stades Bologhine, et du 20 Août où s'affrontaient les stars d'alors du football algérien, de ses chanteurs Chaabi et de feu Boualem Titiche, des dédales d'une Casbah qui respirait encore la «Bataille d'Alger», encore la tête dans les étoiles des films des grands réalisateurs projetés dans ses salles de cinéma, n'a plus eu de nouvelles de cette étoile filante qu'était la Mina 4.
APS

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