Picotements, tiraillements, fatigue des yeux : la sécheresse oculaire est une maladie fréquente et souvent bénigne. Quels sont les facteurs de risque ? Et quels traitements pour soulager cet inconfort ? On fait le point avec la Dre Marie-Caroline Trone, ophtalmologue.
"La sécheresse oculaire n'est pas une fatalité", assure la Dre Marie-Caroline Trone, ophtalmologue au CHU de Saint-Etienne. Cette pathologie est l'un des motifs les plus fréquents de consultation en ophtalmologie. Et pour cause, elle est en pleine expansion depuis la généralisation du télétravail. Bien souvent sous-estimée, elle peut toutefois avoir des conséquences sur la qualité de vie des patients. "Il existe pourtant des traitements simples pour gagner en confort", affirme la médecin.
Sècheresse oculaire : qu’est-ce que c’est ?
Au quotidien, les glandes lacrymales produisent en permanence des larmes qui se distillent sur toute la surface de l'œil grâce au clignement des paupières. Les larmes sont composées principalement d'eau et d'huile. Elles protègent la cornée des agressions extérieures et la nourrissent en continu.
"Chaque couche a sa fonction propre. La partie mucinique assure la bonne adhésion des larmes à la surface de l'œil. La phase aqueuse est responsable de la nutrition et de la protection des cellules de la surface oculaire. Enfin, la portion lipidique limite l' évaporation des larmes et augmente leur durée de protection de la surface de l'œil", détaille la spécialiste. La sécheresse oculaire est due à un défaut de la quantité et/ou de la qualité des larmes.
Sècheresse oculaire : quels sont les symptômes ?
La sécheresse oculaire se manifeste par : une rougeur des clignements fréquents des tiraillements au niveau des yeux des sensations parfois douloureuses de grains de sable sous les paupières une sensibilité accrue à la lumière des rougeurs oculaires un larmoiement excessif.
Les personnes qui portent des lentilles peuvent également ressentir une gêne.
Quels sont les facteurs de risque ?
"La quantité de larmes peut être réduite à cause de l'âge, de certains médicaments, notamment les antidépresseurs, ou de maladies inflammatoires", explique notre experte avant de préciser que « cette pathologie touche particulièrement les femmes de plus de cinquante ans. » La sécheresse oculaire est également favorisée par des facteurs environnementaux : le tabagisme actif ou passif, l'air sec, le froid, les climats venteux. L'ophtalmologue assure que, depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19 et la mise en place du port du masque et du télétravail, de plus en plus de personnes sont concernées par ce problème.
"Le temps passé sur les écrans a considérablement augmenté au cours de cette dernière année. Or, on cligne sept fois moins des yeux devant un ordinateur. Cette action est pourtant nécessaire pour les protéger", constate la Dre Marie-Caroline Trone. Le masque, de son côté, réduit la diffusion de l'air expiré vers l'extérieur. Il se répand en haut du masque et sur la surface de l'œil. Cela engendre une évaporation du film lacrymal, les yeux s'assèchent.
Comment traiter la sécheresse oculaire ?
Limitez les facteurs favorisants. "Il est, malheureusement, impossible d'agir sur les facteurs génétiques, explique la Dre Marie-Caroline Trone. Mais on peut jouer sur les facteurs environnementaux." Réduire la climatisation dans les open spaces et dans la voiture, protéger ses yeux avec des lunettes de soleil lorsque l'on est en plein vent, diminuer la luminosité des écrans sont autant de petits gestes à réaliser au quotidien. L'ophtalmologue préconise également d'humidifier l'air intérieur de sa maison ou son appartement en déposant une coupelle d'eau sur les radiateurs lorsque les chauffages sont allumés.
Utilisez des larmes artificielles. La Dre Marie-Caroline Trone recommande, en première intention, l'usage de larmes artificielles. Il en existe de nombreuses variétés. Certaines sont vendues librement en pharmacie, d'autres sur prescription médicale. « Chaque famille a ses propriétés et ses indications », précise-telle. Il ne faut donc pas hésiter à se renseigner auprès d'un professionnel de santé "même s' il n'existe pas de risque de surdosage."
Massez vos paupières. Pour relancer la sécrétion de larmes de qualité, la médecin conseille d'appliquer des compresses d'eau chaude sur les paupières pendant cinq minutes, à raison de deux à trois fois par jour, tous les deux jours, pour les deux yeux. "Massez délicatement avec le doigt sur chacune des paupières." Pour la paupière supérieure, le geste doit être effectué de haut en bas. Pour la paupière inférieure de bas en haut.
Faire une gymnastique des yeux. Il convient également de répartir les larmes correctement sur la surface oculaire. Un exercice simple consiste à "fixer un point au loin et à réaliser trois petits clignements, trois grands clignements puis à nouveau trois petits clignements des yeux", dès lors que l'on ressent une sensation de sécheresse oculaire. "Le cerveau est capable de se rééduquer aux clignements seul. Cette action permet de stabiliser les larmes."
Quand consulter ?
"Il ne faut pas banaliser ce syndrome, alerte la Dre Marie-Caroline Trone. Beaucoup de patients n'osent pas consulter ou signaler à leur ophtalmologue qu'ils ressentent une gêne au niveau des yeux. Ce n'est pas normal d'avoir les yeux rouges en permanence", avant de préciser que : "dans 95 % des cas, le problème peut se résoudre facilement."
>> Des traitements de plus en plus personnalisés : "La recherche a fait de nombreux progrès au cours de ces dernières années, constate la spécialiste. Grâce à des machines ultra performantes, il est aujourd'hui possible d'étudier les différentes couches du film lacrymal et de déterminer quelle est la partie de la larme qui est affectée." L'un de ces traitements, la lumière pulsée polychromatique, consiste à redonner du gras aux larmes. Il existe également des lentilles spéciales avec un réservoir de larmes.