
Nesrine Boukhalfa, jeune femme de 33 ans, est la seule à exercer le métier de menuisier dans la wilaya de Tizi-Ouzou, bien décidée à vivre sa passion pour le bois et s'imposer dans un domaine exclusivement masculin.
Fille d'Issiakhene Oumedour (commune de Tizi-Ouzou), Nesrine est née dans une famille de menuisiers, ses oncles maternels exerçant ce métier.
L'odeur du bois coupé, le bruit des scies et les d'objets en bois fraichement créés ont ainsi meublé ses souvenirs d'enfant.
''Vers l'âge de 14 ans, j'ai commencé à sculpter le bois pour reproduire des animaux, et fabriquer des guitares'', a-t-elle confié à l'APS.
Plus tard, elle a commencé à réparer le mobilier familial et à en fabriquer, ce qui lui a permis de manier les outils de menuiserie (scies, burins, ciseaux, marteaux) et de les maitriser.
Déterminée à travailler le bois et à en faire son métier, Nesrine a tenté l'expérience de travailler chez un privé, après avoir été repérée par ce dernier qui possédait une entreprise de bâtiment et de travaux publics.
"C'est grâce à une théière que j'ai sculpté selon un modèle d u sud algérien que j'ai été repérée par ce privé qui m'a proposée de travailler pour son entreprise alors que je n'avais pas de diplôme en menuiserie", se rappelle-t-elle avec le sourire.
Elle se souvient fièrement du premier objet qu'elle a fabriqué dans les ateliers de cet investisseur.
''Mon premier objet d'ébénisterie était une chaise de salon''.
L'artisane en herbe a aussi travaillé chez un autre privé dans la ville de Tizi-Ouzou, avant de décider, encouragée par sa famille, de suivre une formation pour obtenir un diplôme, qui lui ouvrira plus d'horizons dans l'exercice de sa passion.
''En 2003, j'ai entamé une formation de 18 mois en sculpture sur bois au CFPA des arts traditionnels de Boukhalfa où j'étais la seule fille dans une section de 48 garçons'', a-t-elle indiqué, ajoutant que la fait d'être la seule fille de sa section n'a pas été un obstacle puisque les autres stagiaires et son formateur la traitait sans la moindre distinction.
Son diplôme en main, Nesrine décide de s'installer à son propre compte.
En 2014, elle obtient un crédit par le biais de l'Agence national de soutien à l'emploi de jeune (ANSEJ) et ouvre son atelier de menuiserie dans son village Issiakhen.
Elle réussit aisément à se faire accepter grâce à son sérieux, au respect des délais de livraison et à la qualité de ses réalisations.
Nesrine, qui fait aussi des déplacements à domicile, a relevé que les femmes étaient les premières à l'avoir acceptée comme menuisière.
Lorsque mes confrères hommes se déplacent dans une maison pour placer un placard, une porte, réparer un meuble, ou autre, les femmes n'ont pas d'avis à donner puisque ça se passe entre hommes, tandis qu'avec moi elles peuvent le faire.
"Elles ont de belles idées et sont heureuse de les partager et de les voir concrétisées", a-t-elle ajouté.
Fière de sa passion, cette jeune menuisière confie que son matériau préféré est le hêtre.
''C'est un bois dur qui est certes difficile à travailler mais demeure une essence noble que j'apprécie pour son homogénéité et de sa robustesse.
Il permet d'avoir une bonne finition", a-t-elle observé.
Si au début de son activité, son atelier recevait beaucoup de commandes, celles-ci ont diminué ces dernières années suite à l'émergence de la menuiserie aluminium.
L'instabilité du marché de bois (fluctuation des prix et rupture d'approvisionnement) ont aussi impacté négativement sur ce métier, a-t-elle déploré, notant toutefois que le bois a toujours ces amateurs.
Entre style berbère apprécié particulièrement par les émigrés et design modern plus couramment demandé, Nesrine s'amuse à créer de belles œuvres.
"La menuiserie est un art, il faut donc être artiste pour être menuisier.
J'aime apporter ma touche personnelle même lorsqu'il s'agit d'une simple table'', a-t-elle relevé.
"Je veut continuer de vivre cette passion pour le bois et m'améliorer. J'aime le bois et la menuiserie et c'est tout ce qui compte".