La vallée de la Soummam, dans la wilaya III historique, a été le théâtre d'un combat lutte acharné contre l'occupant français durant la Guerre de libération nationale, marquant de son empreinte, à travers de différentes rudes batailles, la lutte pour la libération du pays du joug colonial.
Jusqu'à l'indépendance de l'Algérie, la région a vécu au rythme des attaques et batailles héroïques menées par les moudjahidine, les pertes infligées à l'armée d'occupation et l'accueil du Congrès de la Soummam, qui posa les jalons de l'Etat algérien et de l'Algérie indépendante.
Auparavant bastion du mouvement national où toutes les formations politiques, MTLD (Mouvement des triomphes des libertés démocratiques)- UDMA (Union démocratique du manifeste algérien)- PCA (parti communiste algérien) et les Eulémas, étaient implantées, la région connaissait "un bouillonnement révolutionnaire et une atmosphère de lutte bien avant le déclenchement de la Guerre de libération" témoigne l'ancien officier de l'Armée de libération nationale (ALN), Djoudi Attoumi.
Le MTLD était implanté dans toute la région alors que l'UDMA de Ferhat Abbas et le PCA, étaient surtout actif au sein de la petite bourgeoisie et du mouvement ouvrier des villes de la région, Béjaia, El Kseur, Sidi-Aich, Ighzer-Amokrane, Akbou et Tazmalt.
Formations politiques et zaouias locales, celles d'Ath Ouaghliss, Tamokra, Ighram et Béni-Mlikèche, ainsi que les mederssa des Eulémas qui accueillaient des étudiants venus des hauts-plateaux, "ont tous contribué, chacun dans son champ d'intervention et à sa manière, à l'éveil d'une conscience nationale dans la région" soutient Attoumi.
Et ce sont ces mêmes militants qui animaient la vie politique et n'attendaient que le bon moment pour en découdre avec les colons et la situation de misère qu'ils faisaient subir aux populations autochtones, qui
deviendraient plus tard les meneurs de la lutte armée dans la région.
C'était, notamment, le cas de Hamai kaci devenu commandant de l'ALN, Si H’mimi Oufadhel, Rachid Tariket, Mohand Akli kabach, Salem Titouh, Tahar Amirouchen, Hemou Amlikeche, Hocine Salhi et Mokrane Mourah ou du capitaine Oudek Mohand Arab et son groupe constituée avant même le déclenchement de la lutte armée et de tant d'autres encore qui se sont illustrés par leurs faits d'armes.
Les hommes de "bonne volonté"
Au lendemain du déclenchement de la Guerre de libération, le 1er novembre 1954, et les premiers échos des attaques contre l'armée française menées à Azazga (Tizi Ouzou) et dans les Aurès qui parvenaient à la région, des groupes de baroudeurs se jetèrent dans l'action révolutionnaire et commencèrent à harceler l'armée française.
Partout à travers la vallée, de Tazmalt à l'Ouest jusqu'aux confins de l'actuelle wilaya de Jijel à l'Est, et malgré le contexte très difficile, des petites actions sporadiques étaient alors menées par des groupes
d'hommes, au nombre réduit et à l'armement rudimentaire, mais animés d'une volonté de fer de contribuer au combat libérateur du pays du joug colonial.
C'est ainsi qu'en février 1955, Abderahmane Mira proéda, avec un petit groupe, à la destruction des poteaux téléphoniques près de Maillot (M'chedallah à l'est de Bouira), du village touristique des colons à Ain Zebda (limite entre les wilaya de Tizi-Ouzou et Bouira), tandis que de leurs côtés, Rachid Tariket et Hocine Salhi sabotèrent les lignes téléphoniques au lieu-dit "Les Ruines" à El kseur.
Au mois de mars, des relais téléphoniques ainsi que la ligne de chemins de fer reliant Takrietz à Ighzer Amokrane furent détruits poussant l'armée française à intensifier sa présence dans la région en implantant des postes militaires à Tibane et Vieux-Marché, dans la commune de Sidi-Aich.
Le 1er novembre 1955, marquant le 1er anniversaire du déclenchement de la lutte armée, plusieurs actions militaires furent déclenchées en concordance par les différents groupes de moudjahidines de la région.
Destruction des poteaux téléphoniques entre Ighzer Amokrane et El Kseur, sabotage des routes et ponts et harcèlement de tous les postes militaires de la région et attaque de plusieurs gares de chemin de fer comme à Takrietz, Ighzer Amokrane, Laazib et Allaghan.
Les baroudeurs de la Soummam, soutient Attoumi, ont bénéficié, également, au début de leurs actions "de l'expérience des permissionnaires de l'armée française, des jeunes appelés du service militaire, déserteurs sans armes, qui ayant bénéficié de permission après le déclenchement de la guerre, ont préféré rejoindre le maquis".
"Ils venaient les mains vides mais avaient une expérience du métier des armes" explique-t-il précisant que ce n'est qu'à partir de 1956 que "des déserteurs, avec armes et bagages ont commencé à rejoindre les rangs des moudjahidine", citant Cherif Benmansour, Smail Azoug, Boualem Zane, Madani Bettache et d'autres.
Plusieurs d'entre eux devinrent des responsables militaires et ont marqué leur parcours par leur courage et leur bravoure, à l'exemple de Yousfi El Hocine, dit Moustache, qui a déserté d'une caserne d’El-Eulma (Sétif) en décembre 1955 à bord d'un véhicule 4x4 surmonté d’un fusil mitrailleur, des armes et une dizaine d'hommes gagnés à la cause nationale, et qui devint chef d’un bataillon de choc.
1956, une année charnière
Le début de l'année 1956 fut marqué par le déclenchement généralisé de la lutte armée à travers toute la vallée de la Soummam et l'intensification des attaques contre les colons et l'armée d'occupation française.
Elle commença par la bataille du pont d'Amassine, dans la commune de Semaoun, le 20 janvier qui s'est soldée par d'énormes pertes infligées à l'ennemi et la mort de six moudjahidine dont l'adjudant Arezki l’Aurès, compagnon d'armes de Mustapha Benboulaïd.
Des convois et postes militaires sont attaqués, des gendarmes, administrateurs et responsables locaux assassinés et des armes sont récupérées. Tout au long de cette année, l'armée française n'a point connu de répit et a subit des pertes en hommes et en matériel lors des batailles devenues de plus en plus fréquentes et mieux organisées.
Elle fut, également marquée par l'organisation du Congrès de la Soummam à Ifri-Ouzellaguène, où pendant 11 jours, du 09 au 20 août, les dirigeants de la Guerre de libération planifiaient l'avenir de l'Algérie, au nez des autorités et de l'armée coloniale qui encerclait la région.
Jusqu'à l'Independence, la région sous le commandement du Colonel Amirouche, a vécu au rythme de la poudre et des grandes batailles, à l'instar de celle d'Iguirvane, dans l'actuelle commune d'Ighram, en juin 1958 qui coïncida avec la visite du général de Gaulle dans la ville d'Akbou.
Et le 03 janvier 1962, 02 mois avant le cessez-le-feu, en réponse à la propagande coloniale sur la décimation de la résistance, une bataille spectaculaire est livrée à un bataillon de l'armée française à Bordj-Mira qui se solda par la mort de 30 soldats français et la récupération de 18 armes.