Le musée régional du moudjahid «colonel Ali Kafi» de Skikda représente la mémoire épique et préservatrice des valeureuses actions des acteurs de l'épopée de l'offensive du 20 août 1955 dans le Nord constantinois.
Les archives dont dispose ce musée et les témoignages vivants de ceux ayant vécu ces événements, constituent un atout historique inestimable reflétant la glorieuse révolution de libération qui demeure une importante référence pour les jeunes générations.
Une aile spéciale est d’ailleurs consacrée au sein du musée à l’offensive du 20 août 1955 dans le Nord constantinois, lancée pour lever le siège sur la région des Aurès, oppressée par les soldats de l’armée française après le déclenchement de la révolution de libération le 1er novembre 1954.
Selon le directeur de cette structure, Fatah Hamouche, ce musée a enregistré, depuis 2014, pas moins de 17 heures et 19 minutes de témoignages vivants de 46 moudjahid et moudjahida, mais aussi de veuves de martyrs qui ont vécu ces attaques, sous le commandement de Zighoud Youcef, artisan de cette offensive massive, dont le déroulement est enseigné depuis dans les écoles militaires, pour la minutie de son exécution.
Les témoignages se rapportent notamment au congrès tenu au lieudit «Zamane», région de Bouchtata (Skikda) ainsi que les attaques menées à partir des villes de Skikda, Azzaba, El Harrouch, la région «El Alia» à Filfila, mais également aux massacres perpétrés contre les citoyens par les forces de l’occupation française, a ajouté M.Hamouche.
Parmi ces témoignages figure celui du moudjahid Abdellah Bouraoui (83 ans), recueilli le 20 août 2017 dans la commune de Bouchtata, dans lequel il relate sa rencontre fortuite, vers la fin du printemps 1955, avec trois hommes étrangers à la région de «Zamane» qui affirmaient travailler dans la collecte du liège.
Voyant qu’ils étaient fatigués et affamés, Abdellah Bouraoui s’est alors rendu au foyer de son frère ainé et leur rapporta de la galette et du petit lait pour apaiser leur faim.
Le moudjahid se rappelle également que deux d’entre eux sont revenus quelques jours plus tard, en compagnie d’un troisième homme qui s’est enquis au sujet de son frère ainé. Selon Abdellah Bouraoui, les trois hommes sont revenus au cours de la même semaine et ont longuement discuté avec son frère aîné Saâd, relevant qu’il apprendra un peu plus tard qu’il s’agissait de Zighoud Youcef, Mohamed Salah Mihoubi, dit «Belmihoub» et Ahmed Raoui qui n’était pas venu la seconde fois.
Dans son témoignage, Abdellah Bouraoui a révélé que le commandant Zighoud Youcef et Belmihoub, sont venus une troisième fois et sollicité son frère Saâd pour les aider à trouver un lieu qui abriterait les réunions des dirigeants de la wilaya II historique, lui proposant notamment de mettre à leur disposition sa propre demeure ou celle de l’un ses frères.
Selon Abdellah Bouraoui, Saâd a refusé arguant que sa maison étant trop exposée, car située tout près du village très fréquenté par les colons et les forces ennemies, leur suggérant plutôt un site plus discret, situé à «Samlala’’, précisément à Koudiat Daoud, au sommet d'une montagne de la région de Skikda.
«La première réunion a été présidée par Si Ahmed et a réuni une centaine de moudjahidine conduits par ses adjoints, entre autres, Mohamed Boubnider, Smail Zighet, Bachir Boukadoum, Brahim Chibout, Messaoud Boudjriou, Ali Kafi et Mohamed Saleh Mihoubi», a-t-il détaillé, se remémorant qu’une deuxième réunion, élargie à la wilaya I historique, a été tenue par la suite en présence de son chef Lakhdar Bentobal, Messaoud Benssam et Larbi Berdjem, à Bouchtata dans la région de «Zaman».
Et d’ajouter : «Cette réunion a été pour moi une occasion de côtoyer directement les dirigeants de la wilaya II, et à leur tête Zighoud Youcef, ce qui a facilité mon recrutement (entre mai et juillet 1955) dans les rangs de l’ALN par le commandant Si Ahmed en personne, avant d’être chargé de perpétrer une attaque contre le tribunal d’El Harrouch, le 20 août 1955».
«Mon recrutement au sein de l’ALN a coïncidé avec les préparatifs des attaques du 20 octobre 1955, ce qui m’a permis de faire partie des exécutants des attaques menées sous l’impulsion du commandant Laib Derradji en compagnie du moudjahid Ahmida Kadid et un autre appelé Si El Mekki, au cours desquelles nous étions chargés de détruire les dossiers des prisonniers et des condamnés à mort algériens», a-t-il précisé.
Pour sa part, le directeur du musée régional du Moudjahid considère ces témoignages comme étant «très précieux», car ils représentent une référence historique pour les historiens, les étudiants et les chercheurs, notamment à la faveur de leur transcription par écrit.
Il a également ajouté que cette opération, lancée par le musée en 2014, s'inscrit dans le cadre d’une opération nationale visant à consigner par écrit l'histoire de la révolution de libération initiée par le ministère des Moudjahidine.
Des objets témoins des évènements du 20 août 1955
En plus des enregistrements, le musée régional du moudjahid de Skikda détient des objets qui témoignent de cette date historique que de nombreux moudjahidine de la région considèrent comme le lancement effectif de la révolution de libération.
Il s’agit notamment de 69 numéros de «La dépêche de Constantine» datant de l’année 1955 se rapportant aux attaques du 20 août 1955, d’un document provenant d'un journal en langue française évoquant l’offensive dans la région d’El Alia, ainsi qu’un drapeau national remontant à cette même année et 3 cocktails Molotov utilisés au cours de ces attaques.
Dans l’aile du musée consacrée à ces évènements, figure également des jumelles ayant appartenu au chahid Zighoud Youcef avec leur étui, un grand poignard utilisé lors des attaques, un pistolet semi-automatique, des photographies prises sur les lieux des attaques, et d’autres immortalisant les horribles massacres commis contre les Algériens après les attaques du 20 août 1955. La bibliothèque du musée renferme, outre ces objets, des publications du ministère des Moudjahidine relatives aux attaques du Nord constantinois, dont les mémoires du défunt colonel Ali Kafi et les trois tomes de «L’épopée de l’Algérie nouvelle» du moudjahid Amar Guellil.
Selon M. Hamouche, le musée du Moudjahid de Skikda a récupéré de nombreux documents et archives datant de la période coloniale, précisant que depuis 2016 à ce jour, 188 documents entre originaux et copies, provenant des archives françaises, ont été collectés. Il s’agit notamment de journaux en français, de rapports de l’armée française et de la police judiciaire française, de procès-verbaux d’arrestations d’Algériens, de mandats d'arrêt et de perquisitions ainsi que des attestations de détention et des rapports sur la résistance de Si Zighoud.