L'Algérien était considéré comme un «criminel potentiel» par la police coloniale, a indiqué dimanche à Oran la jeune historienne américaine Danielle Beaujon lors d'une conférence qu'elle a animée au Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC).
Doctorante en histoire à l'Université de New York, Danielle Beaujon a donné lors de cette rencontre la première présentation de son travail de recherche mené depuis le début de l'année en cours à Alger et à Marseille (France) à l'appui de sources documentaires consultées auprès des Archives des deux pays.
Elle s'est attelée dans ce cadre à mettre en relief les pratiques répressives de la police coloniale tant à Alger qu'à Marseille à l'encontre de la communauté algérienne. Sa thèse, qui est limitée à la période 1920-1950, questionne, dit-elle, «la façon dont les hiérarchies coloniales ont influencé le contrôle des Algériens en métropole ainsi qu'en Algérie». S'agissant du choix des deux villes citées, l'auteur a notamment évoqué des raisons de «connexions historique, géographique, commerciales et migratoires», outre des similarités au plan architectural.
Ces connexions entre Marseille et Alger donnent aux historiens «une perspective unique» pour étudier la police coloniale, a suggéré Danielle Beaujon, observant que l'historiographie dans ce domaine demeure concentrée sur Paris.
A l'appui de ses recherches, l'historienne rapporte qu'à Marseille les travailleurs algériens étaient considérés comme des «criminels potentiellement dangereux» par les responsables hiérarchiques de la police. «La police de Marseille a dédié une quantité de ressources disproportionnée pour la surveillance des Algériens, alors que les immigrés venant des pays voisins comme l'Italie et l'Espagne étaient beaucoup plus nombreux», a-t-elle souligné.
Comme pour Marseille, à Alger la police coloniale a ciblé les Algériens avec la mise en place de «brigades spéciales, des lois distinctes et des techniques de surveillance spécifiques», a-t-elle ajouté. Plusieurs chercheurs ont assisté à cette communication, dont l'historien Sadek Benkada qui a fait observer que durant la période coloniale, «en Algérie, les Algériens étaient considérés comme des étrangers dans leur propre pays».
Un autre membre de l'assistance a quant à lui apporté son témoignage en évoquant une gifle reçue d'un policier pour avoir protesté contre le non-respect par une «européenne» de la file d'attente devant le guichet d'une poste.
Cette rencontre a été co-organisée par le CRASC et le Centre d’études maghrébines en Algérie (CEMA), dans le cadre du cycle des conférences «Histoire du Maghreb, histoire au Maghreb».