Interview

5 questions à Mme Florence Berthout, Maire du 5e arrondissement de Paris (France) : «Un message de paix de dialogue et de respect»

Publié par Entretien réalisé par CEM le 25-10-2014, 17h48 | 285
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Votre arrondissement abrite beaucoup de monuments historiques et lieux de culte notamment la grande mosquée de Paris, quelle est votre relation avec cette institution qui est l’épicentre de l’islam en France ?

«Ce sont des relations de confiance et d’estime réciproque extrêmement fortes avec la grande mosquée.

Elle n'est pas que l’épicentre de l'islam en France c’est une référence extrêmement importante dans l'arrondissement ; cette présence historique de la grande mosquée dans le 5e arrondissement est très forte et elle va de pair avec celles d'autres communautés. Tout cela participe justement au dialogue inter communautaire.

Le multiculturalisme y est une réalité. Depuis mon élection à la mairie, en avril dernier, j’ai déjà rencontré le recteur de la mosquée de Paris 5 ou 6 fois : c’est vous dire à quel point c’est important et j’ai même eu la chance et l’honneur d’avoir été présente à l'Elysée : quand le président de la République, François Hollande lui a remis les insignes de commandeur de l’ordre du mérite.

Les excellentes relations sont exemplaires pour entretenir le dialogue, un dialogue noué avec le recteur de la grande mosquée que je souhaite élargir, comme j’ai fait la proposition à d’autres représentants religieux. Et ce, dans un cadre républicain et tolérant.»

La parution de l’essai d’Éric Zemmour défraie la chronique tout en inquiétant la communauté musulmane…

Ce livre de M. Zemmour est très préoccupant parce qu’il y a des conclusions dans le meilleur des cas hâtives et dans le pire des cas, on  aboutit à des conclusions extrémistes totalement fallacieuses alimentant la xénophobie. Pour cela, il est extrêmement dangereux.»

«S’il bat les records c’est aussi parce que les élites politiques sont en perte de crédibilité et qu’on cherche des solutions, des réponses au chômage qui n’a jamais atteint un tel niveau, au déficit qui est un déficit historique et qu’en l’absence de crédibilité du politique on va chercher chez les pseudos historiens et pseudos philosophes des éléments de réponse… » Évidemment il y a les boucs émissaires des difficultés économiques : l’immigration.

On avait connu, en France au cours des années trente du siècle dernier, les relents d’antisémitisme. Donc, on a tout un tas de boucs émissaires qui sont trouvés il y a le juif, il y a la femme, il y a l’arabe, et ce n’est pas parce qu’on va habiller ces boucs émissaires des oripeaux fallacieux d’un peu de philosophie, d’un peu d’économie qu’on doit les retenir pour cause de tous nos maux.»

Les relations entre l’Algérie et la France sont bonnes, qu’en pensez-vous ?

«Cinquante ans après les évènements et la guerre d’Algérie, les plaies ne sont pas tout à fait refermées mais il y a des liens profonds entre les deux nations : en 2000 en Algérie -je n’étais jamais allée en Algérie-, à Alger et à Oran, j’ai rencontré des Algériens (j’ai eu aussi le plaisir de serrer la main au Président Bouteflika.

Je suis allée aussi à Oran, j’accompagnais à l’époque le Président du sénat Christian Poncelet qui avait passé toute son enfance dans un village près d’Oran.

Christian Poncelet avait un ami algérien avec lequel il était très lié ; quand on est arrivé, dans cette petite ville, on était une petite délégation et la foule tournait autour de la fontaine de la petite place et à un moment donné, on a entendu deux cris dans la foule c’étaient Poncelet et son ami d’enfance qui avaient crié en même temps parce qu’ils s’étaient reconnus et c’était absolument bouleversant parce qu’on avait d’un côté Poncelet ancien pupille de la nation qui était d’origine très modeste et qui était quand même le deuxième personnage de l’Etat français qui était là et ce monsieur qui était resté très très modeste qui avait un béret astrakan et ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre ; ils ont même pleuré pendant 5 minutes tous les deux.

C’était un moment absolument bouleversant qui  reste gravé profondément dans ma mémoire parce que je trouve que c’est assez révélateur de ces relations très très compliquées mais en même temps très fortes entre la France et l’Algérie.

En France, l’intégration, je n’ai pas dit l’assimilation, surtout pas, passe par l’intégration de cette jeunesse et par l’accès  de cette jeunesse à des postes plus élevés ; ce qu’il y a de clair c’est que ça n’est pas propre aux jeunes d’origine algérienne, des études sont faites qui démontrent qu’on est à la troisième génération maintenant, on est donc dans cette troisième génération : de plus en plus de jeunes d’origine maghrébine ont envie d’accéder à des postes à responsabilités et sont beaucoup plus motivés.

Mais c’est vrai  qu’il y a un fossé, il  est le même pour les Français : entre ceux qui se battent et ceux qui sont laissés au bord de la route ; mais il y a une envie d’y arriver que je sens plus forte chez cette troisième génération d’origine maghrébine incontestablement.

Quel message souhaitez-vous adresser aux Algériens d’une manière générale et aux responsables de nos deux pays ?

 «Un message de paix, de dialogue et de respect parce que comme disait Saint Exupéry, c’est la différence qui enrichit ce n’est pas la similitude et cela dans un environnement complexe, multiple avec des enjeux qui sont tout à fait considérables, il faut un dialogue intelligent qui fait qu’on puisse progresser dans la diversité.

Cela nous permet d’appréhender l’avenir de manière constructive et positive : pour avancer il faut dialoguer. Cet arrondissement (5e arrondissement) est le cœur de Paris, de la jeunesse des universités et des intellectuels, des artistes de tous les pays et cela porte au dialogue, à l’échange, à la découverte et au respect :

on a ici les plus grandes universités françaises, les plus grandes écoles, les plus grands instituts de recherche comme l’école supérieure de commerce et de chimie de Paris, Agrotec, l’école normale supérieure … »

 

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