Amel Chaouati est née à Alger. Elle est arrivée en France en 1992 à l’âge de 21 ans. Après deux années de sciences politiques à Alger, elle a décidé de suivre un rêve qu’elle nourrissait depuis l’adolescence, entamer des études de psychologie à l’étranger.
Aujourd’hui, elle exerce en France en tant que psychologue. En parallèle d’une activité libérale, elle travaille dans le champ de la psychiatrie.
En 2005, elle a fondé l’association Le Cercle des Amis d’Assia Djebar, un club de lecture qui réunit des lecteurs autour de cette œuvre. En 2012, elle a coordonné un ouvrage autour de l’œuvre d’Assia Djebar, LIRE ASSIA DJEBAR !, aux éditions La Cheminante.
En 2013, dans la même maison d’édition, elle a publié Les Algériennes du château d’Amboise. La suite d’Abd el-Kader.
L’ouvrage traite de l’histoire de l’emprisonnement en France des femmes et des enfants de la suite de l’émir Abd el-Kader qui avaient partagé sa détention entre 1848 et 1852 après la reddition de ce dernier.
Comment avez-vous été inspirée pour l’histoire de ces «oubliées de l’Histoire» que sont «les Algériennes du château d’Amboise» ?
A.C. : Une simple lecture m’a amené à conduire une recherche sur de nombreuses années. Je venais d’entamer des lectures sur l’histoire des premières années de la colonisation et par voie de conséquence l’histoire d’Abd el-Kader ben Mahieddine communément appelé l’émir Abd el-Kader.
L’ouvrage en question, Abdelkader le magnanime, a été déterminant. Une phrase brève a suffi pour m’alerter de la présence sur le sol français de femmes algériennes durant le XIXe siècle. Ces femmes faisant partie de la suite de l’émir se sont retrouvées emprisonnées avec lui pendant cinq années à Toulon, Pau puis Amboise.
J’apprends dans l’ouvrage que certaines d’entre elles avaient trouvé la mort mais sans donner plus d’explication ce qui m’avait profondément atteint et poussé à aller comprendre ce qui s’était passé.
Comment s’est faite cette transition de la psychologie à l’histoire ?
L’œuvre romanesque de l’écrivain Assia Djebar a été déterminante. Son travail d’écriture pour dire sa propre version de l’histoire et de la mémoire algériennes mêlant la petite histoire dans la grande histoire a provoqué en moi un choc littéraire et esthétique sans précédent.
Comme on le sait Assia Djebar est aussi historienne de formation. Elle a toujours le souci de remonter dans le temps pour tenter de comprendre les souffrances actuelles. Par conséquent, c’est grâce à ses romans que j’ai pris conscience de l’importance de bien connaître son histoire pour mieux se connaître et mieux analyser le présent.
Elle m’a surtout fait prendre conscience de la pauvreté de l’écriture de l’histoire des femmes dans la société algérienne. Depuis, je suis devenue alerte sur cette question.
Quels éclairages en avez-vous tirés pour la compréhension de ce pan de l’Histoire de l’Algérie ?
La découverte de cette partie de l’Histoire qui reste cachée car taboue a ébranlé de nombreuses certitudes. Je pensais par exemple connaître l’histoire de l’émir, or ce n’est pas le cas. Le travail de recherche que j’ai mené essentiellement aux archives en raison de l’absence de documents sur le sujet m’a ouvert les yeux sur le silence et les non-dits qui touchent à notre Histoire.
Il m’a fait prendre conscience que l’écriture de l’histoire est souvent en faveur du plus fort, du dominant. Or, on doit à chaque fois se référer à ces écrits. J’ai également vérifié combien les femmes sont absentes dans l’écriture de l’Histoire algérienne.
J’ai par ailleurs constaté une particularité autour de l’écriture de l’histoire de l’émir : une idéalisation excessive qui bloque la recherche et les interrogations autour de l’histoire de cet homme et par conséquent l’histoire de cette période coloniale qui a déterminé le rôle et le destin de cette personnalité historique.
Qu’attendez-vous du Cercle des Amis d’Assia Djebar ?
Je n’attends rien du Cercle des Amis d’Assia Djebar car il continue à m’offrir plus que je ne l’ai imaginé ou espéré depuis dix ans : des rencontres littéraires exceptionnelles, de nombreuses rencontres avec Assia Djebar, des échanges et des partages inoubliables avec des lecteurs à travers le monde, une journée d’étude à Paris, le premier colloque sur Assia Djebar en Algérie, un hommage rendu à l’écrivain dans six villes d’Algérie, un ouvrage collectif publié, et des projets qui n’arrêtent pas de grandir !
http://cercledesamisassiadjebar.
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