Histoire

L’Emir Abdelkader vu par ses adversaires et ses admirateurs

Publié par Par Amar Belkhodja le 24-01-2014, 16h49 | 1432
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Ce que Charles-André Julien a dit sur l’Emir Abdelkader

 « Le Génie organisateur d’Abdelkader ne le cédait en rien à ses capacités diplomatiques et militaires. L’homme d’Etat inégal aux vertus de l’homme de foi ni au héros de la chevalerie bédouine. »
Cité par Farid  Khelifati, El-Moudjahid du 28 mai 1983.

Ce que Jacques Berque a dit sur l’Emir Abdelkader 

C’est au cours de l’un de ses pèlerinages qu’effectuait le professeur Jacques Berque à Frenda, sa ville natale dans l’ouest algérien, que nous avons eu l’honneur et le bonheur de rencontrer le prolifique auteur. Nous faisons partie des accompagnateurs du célèbre sociologue dans sa quête de souvenirs d’enfance dans des sites qui accueillirent autrefois un géant de la pensée,  de la réflexion et de la production intellectuelle, le précurseur d’une nouvelle science humaine : la sociologie. Nous voulons nommer l’illustre Abderrahmane Ibn Khaldoun.

Le professeur Berque, qui consacra toute son existence à étudier et à écrire sur la civilisation musulmane, en générale et sur le Maghreb en particulier, venait certainement se ressourcer dans sa patrie natale.
Le professeur Jacques Berque vouait beaucoup d’admiration à l’Emir Abdelkader qui avait lui aussi le même culte pour le livre et le savoir et enfermait ses plus précieux ouvrages dans la même malle qui contenait l’or et le trésor de l’Etat.

C’est au cours de ce pèlerinage à Frenda donc que le professeur Berque nous accorda, pour le compte du journal El-Moudjahid, un entretien sur la vie et l’œuvre de l’Emir Abdelkader. Un entretien en arabe, langue dont il avait exploré les moindres nuances et défloré tous les secrets. 

Une langue qui avait séduit le cœur et l’esprit du savant Berque. Et, comme ultime preuve, il nous livra tout récemment l’une des plus belles traductions du Coran, traduction qui lui exigea plus d’une dizaine d’années de labeur intellectuel et linguistique.

Il nous confia notamment : « C’est un grand homme qui réunit des qualités guerrières et politiques, un général de cavalerie reconnu par ses ennemies. Il dut abandonner le combat sous certaines conditions. Mais on lui a répondu en le mettant en prison. Durant les dernières années de résistance, la plupart des tribus engagées dans le combat furent complètement razziées. 

Abdelkader, qui est un homme de religion, après avoir consulté les « oulémas »a donc décidé d’abandonner une guerre qui devenait de plus en plus meurtrière et de plus en plus nocive.
« La seconde partie de sa vie, Abdelkader la consacra à une autre « espèce de djihad » celui de la réflexion, le djihad philosophique. C’est aussi à ce niveau que séduit la personnalité d’Abdelkader. Car on imagine mal un Bugeaud en retraite, consacrant le restant de sa vie à la mystique.

Dans sa retraite à Damas, Abdelkader consacra une partie de sa vie à approfondir la lecture du Coran. Les écrits d’Abdelkader nous incitent à poser une question sur l’histoire littéraire et sur la renaissance arabo-musulmane et répondre qu’Abdelkader fut le précurseur de la nahdha. Abdelkader ne fut-il pas l’un de ceux qui ont contribué dès alors au renouvellement de la pensée ? C’est-à-dire l’un des promoteurs de la première renaissance qui a servi dans le futur. Voilà un thème qu’il faudra approfondir, devait dire Berque. »
   Entretien avec l’auteur en décembre 1985. 

Ce que l’Imam  Chamyl a dit sur l’Emir Abdelkader

Lorsque l’Emir Abdelkader était en arme contre l’envahisseur français, dans une autre contrée lointaine, en Europe un autre résistant, l’Imam Chamyl porte haut l’étendard de la liberté.
Un héros du Caucase musulman qui s’est battu pendant vingt-cinq ans contre l’empire russe. Les similitudes entre les deux hommes, ont amené les observateurs à surnommer l’Imam Chamyl l’Emir Abdelkader du Caucase.

C’est Boualem Bessaïh qui s’est intéressé à cette grande figure pour retracer son itinéraire dans son ouvrage de l’Imam Chamyl à l’Emir Abdelkader, Ed. Dahleb, Alger.
Similitude dans la bravoure et la foi, similitude dans le long combat armé, similitude aussi dans l’emprisonnement et l’exil qui sont les points commun entre les deux grands hommes.
Le destin aura voulu aussi que l’Emir Abdelkader interviendra personnellement pour faire obtenir la grâce et la libération du captif de l’empire russe.

Les deux hommes se rencontreront également sur le chemin de la foi, c’est-à-dire quand ils accomplissaient l’un et l’autre le pèlerinage à la Mecque.
Courte rencontre entre deux hommes qui ont marqué leur époque, mais rencontre édifiante. L’Imam Chamyl sera très impressionné par la personnalité de l’Emir Abdelkader dont il dira : « A celui qui s’est rendu célèbre parmi tous, grands et petits ; qui par ses nombreuses et précieuses qualités se distingue du reste des hommes ; qui a éteint le feu de la discorde avant qu’il n’ait eu le temps de se propager ; qui a déraciné l’arbre de l’inimitié dont le fruit est, comme toujours, le visage du démon. Que Dieu soit loué Qui a revêtu son serviteur et de foi. »

« Nous voulons parler de l’ami sincère et véritable de Abdelkader le juste. Salut à toi ! Puisse le palmier du mérite et de l’honneur toujours porter des fruits en ta personne. »  (Cité par Hassen Boutaleb, El Watan du 30 janvier 1997).L’Imam Chamyl loue l’action noble et grandiose de l’Emir Abdelkader quand celui-ci prend résolument la défense de la communauté chrétienne à Damas en 1860. « C’est l’Islam qui m’a ordonné de défendre les Chrétiens », dira Abdelkader dont la réputation atteindra les contrées les plus lointaines. Ce qui lui vaudra le respect et l’admiration des personnalités politiques, scientifiques, culturelles et religieuses d’horizons divers de part le monde.

L’Emir Abdelkader aura conquis un rang universel et aura prouvé que ses actes d’humanisme prenne leur source dans les valeurs musulmanes dont il était imprégné depuis son jeune âge, alors qu’il étudiait sous la conduite de son vénéré père Cheikh Mohieddine qui avait confié son instruction aux meilleurs savants de l’époque. Le disciple de Mohamed Ibn El-Arabi, Cheikh El-Akbar, a donné à l’humanité tout entière, les meilleurs enseignements de tolérance, de fraternité, de solidarité et de paix entre les hommes.

Ce qu’Abdelkader Safir a dit sur l’Emir Abdelkader

«  Il y a déjà quelques années… J’ai publié dans je ne sais quel journal national un article sur l’Emir Abdelkader (et) disant mon désarroi de voir tant de valeur et tant de gloire reconverties par tant de silence coupable et d’intolérable oubli. »
« Lettre de Benchicao », le Chroniquer n° 22 du 14 au 20 février 1991.

Ce que Mohamed-Cherif Sahli a dit sur l’Emir Abdelkader

Nous avons choisi d’évoquer la figure du regretté Mohamed-Cherif Sahli, décédé le 5 juillet 1989, parce que ce dernier, professeur de philosophie, un  agrégatif, ne pouvait pas prétendre qu’un jour il serait intéressé à la vie intellectuelle et spirituelle de l’Emir Abdelkader. L’auteur du Message de Jugurtha qu’il publia dans les éditions Enahdha dans les années 1940, s’intéressera à l’histoire de son pays et publiera de véritables précis d’histoires. L’ancien résistant dans les réseaux parisiens antinazis s’est plus particulièrement intéressé à la personnalité de l’Emir Abdelkader auquel il consacre un séduisant et magnifique ouvrage : Abdelkader, le chevalier de la foi.

Sahli résumé en un seul paragraphe la personnalité du disciple d’Ibn El-Arabi : « De quelques points de vue que l’on considère l’Emir Abdelkader, on ne découvre rien de mesquin, ni de médiocre en sa personne. Idées, sentiments, gestes, actions tout en lui porte le signe privilégié de la noblesse et de la grandeur, il est de ces êtres rares qui, de siècle en siècle, de millénaire en millénaire, offrent au genre humain une idée de la perfection,  un modèle exemplaire. Par sa vie, son caractère et ses œuvres, Abdelkader honore son pays, sa foi et l’humanité tout entière. » 
C’est l’honorable professeur Mostefa Lacheraf  qui nous raconte la chose dans sa préface de Décoloniser l’Histoire : 

« Quand avant la guerre de libération, Mohamed-Cherif Sahli, proposa à un éditeur parisien futur soutien de la cause algérienne, le manuscrit Abdelkader le chevalier de la foi, il lui fut répondu, après une lecture minutieuse et bienveillante du texte, que le public français n’admettrait pas, logiquement, que le personnage de l’Emir ait pu atteindre une telle perfection morale. »
M. C.  Sahli, Décoloniser l’Histoire, p.21. Il va sans dire qu’Abdelkader Ben Mohieddine, de par ses qualités morales et intellectuelles exceptionnelles força l’admiration de ses propres adversaires, non seulement pendant le long combat qu’il menait mais, plus encore, pendant sa captivité en France. Les visiteurs, d’un haut rang social et culturel découvrirent un homme raffiné, cultivé, galant avec les femmes, humble, digne et peu enclin à la haine et la vengeance.

L’Emir Abdelkader avait la foi et la science pour se proclamer Imam. Il ne l’a pas fait. Il avait la force, la puissance et le prestige pour se proclamer monarque, il ne l’a pas fait. Comme d’ailleurs il n’aurait jamais été ni un féodal  ni un fanatique. Il s’était attelé dans le bruit et la fureur de la guerre, à construire un Etat moderne basé sur le savoir et les valeurs humaines, en étant un dirigeant éclairé d’une société solitaire avec elle-même, nom belliqueuse et ouverte sur le monde. Tel était son ambitieux projet de société. (L’Emir Abdelkader  ni  Sultan ni Imam – Ed, Alpha, Alger, 2007)
 

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