La prolifération des ordures, la crasse et la casse : Une fatalité ?

Publié par Mustapha Bensadi le 04-12-2015, 17h43 | 38

Tous les citoyens plus qu’inquiets et conscients de l’impact suicidaire du fléau s’accordent à en appeler aux plus hautes instances du pays pour l’élaboration et la mise en branle d’un plan d’urgence national

« Seules une police de l’environnement et des mesures draconiennes pérennes recèlent des chances d’enrayer à jamais le triste et scandaleux fléau qui, du reste, sévit désormais sur la quasi-totalité du territoire national. Même la capitale n’est pas épargnée par ce véritable culte de la laideur dont, hélas, tout le monde semble s’accommoder ». Telle est la suggestion récurrente, en fait un véritable « S-O-S », de citoyens aussi outrés qu’inquiets, rongés par la honte de surcroît, face à cette « néoconstante nauséabonde »nationale.

Trop, c’est trop ! D’autant que c’est non seulement la seule image pourtant prestigieuse, du point de vue de l’histoire au moins, de l’Algérie, Etat, pays et nation qui se trouve ternie, voire avilie, mais également tout le substrat civilisationnel, dont une composante d’envergure, pas des moindres, donc, à savoir l’Islam, qui constitue son « polygone de sustentation ». La religion attentée par un comportement incivique débridé que renforce et encourage un certain laxisme révoltant de la part de ceux censés faire régner l’ordre en la matière, défendre et protéger l’environnement, veiller strictement par tous les moyens que leur confère la loi à la sauvegarde de l’hygiène publique. « Ennadhafa minn el imane » (L’hygiène est un attribut de la foi) constitue , pourtant, l’un des avertissements, une recommandation et un rappel des plus importants de la troisième et dernière religion révélée. L’Islam. Mais le comble de l’irresponsabilité, de l’indifférence, c’est que  la plupart des fidèles ne réagissent même plus quand ils voient que même aux abords de certaines …mosquées, le fléau continue d’avancer subrepticement, mais sûrement, certains détritus et autres immondices s’étant, depuis des mois, voire des années, fossilisés, de sorte à paraître comme d’innocents et originaux matériaux de finition. L’acte de polluer est, c’est à craindre, bel et bien entré et ancré dans les mœurs d’aujourd’hui. Et nous le constatons au quotidien. Dans les cités, les quartiers, les jardins publics, les stades, certains édifices administratifs (mégots de cigarettes, « boules éclatées de « chemma », crachats, emballages de friandises, petits gobelets en plastic dégoulinant de café, paquets de cigarettes écrasés…). Et cette propension suicidaire est d’autant plus alarmante, déprimante, qu’elle est le fait de personnes adultes aussi. Des fonctionnaires, des enseignants, malheureusement . Jeter sur la voie publique une peau de banane, un mouchoir en papier, un gobelet de glace ou de crème, ou de café « à emporter » (c’est la mode), une bouteille d’eau minérale vide et bien d’autres éléments polluants ne choque guère plus (ou presque plus) personne. « Normal ! Y’al-Hadj… », nous répondit une fois un jeune homme d’une…trentaine d’année auquel nous avions osé reprocher d’avoir craché tout une flaque visqueuse par terre et jeté allègrement une peau de banane sur un trottoir, « sur laquelle une personne peut marcher et glisser peut-être mortellement ! ». « Normal, Ya Qho ! ». C’est l’école…Normale supérieure. Que de fois, pourtant, la presse a tiré la sonnette d’alarme. En vain. L’incivisme règne en maître absolu. Où sont les parents ? Où est l’école, où sont les mosquées ? Il y a franchement de quoi avoir peur, tant le stade de l’inquiétude est dépassé, quand on voit (c’était l’hiver dernier), dans une cité populaire (un pléonasme, sans doute), des gamins ne dépassant pas dix ans s’acharner en se délectant sur la partie basse( à leur portée) d’une gouttière jusqu’à la fracasser « au troisième degré ». Entièrement détruite. Sous le regard indifférent de parents à la fenêtre, c’était un vendredi matin… Les lampadaires ? Inutile de développer, tout le monde sait qu’en certains endroits, faire éclater en mille morceaux les couvercles abritant les lampes ou en tordre les montants est le sport préféré des « gosses » du quartier. Ces gosses dont l’âge varie entre …seize et vingt ans. Au « fameux » quartier Seghir , à Béjaia, à la cité des 74 logements, le hit-parade de la casse a probablement été atteint : L’on se demande, en effet, comment des jeunes gens ont pu briser des bancs en béton de pas moins d’une demi tonne chacun ! Et les éparpiller…Pour cesser d’être fastidieux, il est impossible de faire l’impasse sur cet autre démembrement du fléau de la crasse et de la casse gratuite : L’horrible affichage anarchique et vandale qui défigure nos cités, nos villes… « Nous sommes tous complices, à des degrés divers il faut l’admettre, chacun à sa façon, ne serait-ce qu’en ayant peur de faire la remarque au pollueur, au vandale… », commente un père de famille. Non, nous sommes encore nombreux à rêver de centres urbains, de cités, de quartiers, de rues et ruelles, d’escaliers, de places et placettes agréablement envahis de parterres et autres grands pots de fleurs, de murs immaculés, blancs comme neige…propre et vierge. Comme ne l’est plus une certaine frange de la population. « Regardez, l’exemple de la ceinture de sécurité, c’est devenu un réflexe que de s’empresser de la mettre dès qu’on s’est assis dans une voiture, n’est-ce-pas ? Pourquoi ? Parce que la poche de l’Algérien quand elle est menacée… » suggère, en fait, un vieux retraité de l’Education nationale. Pour une police de l’environnement, un plan d’urgence nationale, un suivi rigoureux, une campagne non stop, une batterie de sanctions. Pour arrêter la descente aux enfers, et cesser d’avoir honte devant les étrangers. Nos aînés, depuis la nuit des temps, même humbles ou indigents, ont toujours été un exemple de propreté, amoureux de la nature et des senteurs enivrantes des roses, du jasmin et de « nouar laâchiyya ». Alors, il est grand temps….

Mustapha Bensadi