
Durant trois jours, la maison de la culture Houari Boumediene de Sétif abrite la 3e édition du colloque arabe sur Cheikh Fodil El Ourtilani, dont une partie des activités se dérouleront dans sa ville natale Béni Ourtilane.
Organisée par la maison de la culture de Sétif, en collaboration avec la commune de Béni Ourtilane, cette manifestation culturelle, placée sous le thème de '' Réforme et changement dans la pensée d'El Ourtilani et les penseurs de la région'', s'est ouverte, hier, en présence du wali de Sétif, M. Mohamed Bouderbali et du président de l'APW, M. Fateh Kerouani, de Messaoud Hassanine El Ourtilani, fils du penseur, de chercheurs, d'historiens, des universitaires algériens, yéménites et irakiens chargés des communications sur la vie et l'œuvre du Cheikh, des étudiants et beaucoup de jeunes de Béni Ourtilane.
Parlant de cette rencontre, le directeur de la maison de la culture Houari Boumediene de Sétif, M. Zitouni Aribi, nous déclare :'' Ce colloque se déroulera en deux étapes, l'une à Sétif et l'autre à Béni Ourtilane où l'on aura l'occasion de visiter la maison d'El Ourtilani qui a été rénovée par l'APC, la clôture se fera à Sétif.
A l'occasion de cette 3e édition, nous avons édité un livre de 420 pages, qui rassemble toutes les participations des chercheurs sur Fodhil El Ourtilani. Pour cette édition, nous avons aussi fait le point sur l'ensemble des penseurs de la région.
L'objectif est de faire connaitre et montrer aux jeunes d'aujourd'hui que même durant la période coloniale, la France a voulu ne pas donner d'éducation aux Algériens, malgré tout il y avait des citoyens qui avaient une volonté pour démontrer le contraire en parcourant le monde arabe pour acquérir des connaissances pour participer au développement du pays, combattre le colonialisme et l'illettrisme.
Il faut dire qu'El Ourtilani a laissé ses empruntes dans la révolution du Yémen, à tel point qu'il était appelé Fodhil le Yéménite et c'est pour cela qu'il y a beaucoup de chercheurs de ce pays qui ont voulu participer à ce colloque''.
Prenant la parole à cette occasion, le wali de Sétif n'a pas manqué de rappeler l'importance d'une telle rencontre pour honorer la mémoire d'un illustre personnage de la région, dont la tenue coïncide avec la célébration de Youm El Ilm, au lendemain du 60e anniversaire du déclenchement de la Révolution, à la veille du 70e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, tout en soulignant l'important itinéraire et le rôle joué par ce penseur au sein de la population par ses idées, son militantisme et son combat contre l'occupant.
C'est avec une grande émotion, emprunte de fierté que Messaoud Hassanine El Ourtilani, fils de l'érudit et penseur Fodhil, aujourd'hui âgé de 82 ans, a pris la parole qui, après avoir remercié le wali de Sétif, les responsables de la maison de la culture, les élus et les habitants de la commune de Béni Ourtilane et tous ceux qui ont participé de près ou de loin pour la tenue de ce colloque a mis en exergue le long itinéraire de son père, tout en soulignant son militantisme, son combat contre le colonialisme, ses écrits, ses idées, son parcours dans les pays arabes, notamment son séjour au Caire et à El Azhar pour poursuivre ses études supérieurs, théologiques et religieuses en déclarant ''que tout cela mérite respect et reconnaissance''.
Près d'une trentaine de communications et de conférences animées par d'imminents chercheurs, historiens et universitaires Algériens, Irakiens et Yéménites sont au programme avec des thèmes variés sur la pensée et les actions de mobilisation de cet érudit connu dans les pays arabes et sa vision du réformisme.
Une cérémonie de recueillement devant la tombe du Cheikh Fodhil El Ourtilani sera organisée au cimetière des martyrs de Béni-Ourtilane où le défunt est enterré depuis 1987, au deuxième jour du colloque. Une importante exposition sur la calligraphie arabe et des photos d'érudits penseurs algériens a été organisée dans le hall de la maison de la culture.
Son engagement avec la Révolution algérienne
Il est à rappeler que Cheikh Fodhil El Ourtilani est né le 18 février 1906 à Béni Ourtilane, dans la wilaya de Sétif et décédé le 12 mars 1959. Il est issu d'une famille aisée, de tradition lettrée. Il était un penseur et militant anticolonialiste algérien. C'était un brillant orateur et homme de culture, il a été membre de l'Association des oulémas algériens et a joué un rôle central dans la révolution yéménite de 1948.
Il s'inscrit à l'université Zizouna de Tunis et fait partie de l'entourage de Cheikh Abdelhamid Ben Badis fondateur de l'Association des oulémas musulmans algériens, qu'il prend pour maître. Aussi fait-il partie de cette association dès sa création en 1931 et en devient un militant très actif. Vers 1934, l'association le désigne pour encadrer les expatriés algériens en France en les sensibilisant à l'idée nationale algérienne et aux idéaux du réformisme musulman (Nahda) d'Afghani, Mohamed Abdou et Rachid Ridha.
Il fonde ainsi une dizaine d'associations et de clubs où l'on apprend la langue arabe, l'histoire musulmane, les règles élémentaires de la religion et de la morale, et les rudiments du nationalisme, inséparable de l'arabisme et de l'islam. Se sentant menacé, il se réfugie clandestinement en Suisse, passe en Allemagne, se rend en Italie, s'enfuit en Grèce pour enfin arriver à Port-Saïd en Égypte, à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Il s'inscrit aussitôt à al-Azhar pour justifier son séjour au Caire et échapper à la persécution des Anglais, lesquels, sur dénonciation française, pouvaient l'accuser d'intelligence avec les forces de l'Axe. Pendant ce temps il ne cesse son combat pour la cause nationale. En 1941, il est présenté comme le « président de la Mission des étudiants algériens au Caire » et fonde le « Comité de défense de l'Algérie » et participe avec le Tunisien Muhamed al-Khidhr ibn Husayn à la création du « Front de défense de l'Afrique du Nord ».
Fodil part visiter le Yémen avec pour motif officiel la création d'une entreprise commerciale. Il anime dans le pays une série de conférences et causeries littéraires et a l'occasion de rencontrer les jeunes contestataires.
La lutte armée de libération éclate en Algérie le 1er novembre 1954 et Fodil déclare son adhésion à la déclaration du FLN et se voue corps et âme à cette lutte, à partir de son exil libanais. Il multiplie conférences, articles et interviews, au Liban comme en Syrie en faveur de la cause algérienne.
Il meurt le 12 mars 1959 dans un hôtel à Istanbul, en Turquie. Sa dépouille repose, depuis le 12 mars 1987, au cimetière des martyrs de Béni Ourtilane.