"Le repos est la meilleure arme contre la lombalgie" : voici l'idée fausse la plus répandue autour du mal de dos. Mais elle est loin d'être la seule. A l'occasion de la Journée mondiale de la colonne vertébrale, le 16 octobre, on fait le point sur quelques idées reçues.
Subitement, il nous plie en deux, nous fait crisper les muscles le long de la colonne vertébrale, entre les deux omoplates ou plus bas, semblant bloquer les reins, et la douleur lance parfois jusque dans la cuisse. Il y a peu de chances que l'on y échappe : plus de 4 personnes sur 5, des deux sexes et de tout âge, souffriront d'un mal de dos au cours de leur vie, prévient l'Assurance maladie.
Lombalgie, cervicalgie, sciatique : de quel mal de dos souffrez-vous ?
Médicalement parlant, le mal de dos n'est pas une maladie mais un symptôme. D'où la nécessité de consulter, et en priorité un médecin. Toute douleur étant un signal d'alarme, il peut ainsi être le signe secondaire d'une pathologie plus grave. Dans 97 % des cas, heureusement, le mal, localisé en bas de la colonne vertébrale, est ce que l'on appelle scientifiquement une lombalgie commune. La cause de son déclenchement ne tient pas uniquement à une possible lésion ou un défaut anatomique de la colonne vertébrale. Les éventuelles affections (scoliose, cyphose, arthrose ou hernie) ne sont qu'une pièce du puzzle, s'ajoutant aux facteurs de risque que sont la susceptibilité individuelle et les contextes personnel, familial, social, professionnel.
Comment l'empêcher de devenir chronique ?
La lombalgie n'est pas à prendre à la légère pour autant. L'Assurance maladie estime que pour 7 % des malades, la douleur aiguë se transforme en douleur de fond et la lombalgie devient alors chronique.
Si "le mal de dos existe sans doute depuis que l'homme se tient debout", souligne Audrey Petit, professeure de pathologie professionnelle au CHU d'Angers, il n'est pas qualifié de mal du siècle pour rien. L'hyper-sédentarité du mode de vie moderne est une pièce du puzzle qui contribue à sa progression galopante : la lombalgie est aujourd'hui la première cause d'inaptitude professionnelle avant 45 ans et la troisième cause d'invalidité.
Si la sédentarité est en partie responsable, c'est aussi de ce côté que se trouve la solution : "Le traitement, c'est le mouvement !", selon le slogan de l'Assurance maladie. Les preuves scientifiques se sont en effet accumulées depuis 20 ans pour démontrer que le sacrosaint repos n'est pas le remède, même s'il était encore prescrit systématiquement par 65 % des généralistes en 2017 et qu'il est considéré comme la meilleure solution par 7 Français sur 10, entre autres idées reçues.
Pour être efficace, la prise en charge doit commencer par détricoter un certain nombre de ces croyances qui, loin de guérir, "se révèlent au contraire un facteur majeur de passage à un mal de dos chronique", met en garde le Pr François Rannou, médecin rééducateur et rhumatologue à l'hôpital Cochin (APHP).
1/10 - Le stress peut déclencher un mal de dos
FAUX, Mais quand ces maux de dos s'éternisent, c'est souvent lui, le coupable ! "Un mal-être au travail, une tendance à tout voir en noir, un épisode dépressif… peuvent expliquer que l'on n'arrive pas à se débarrasser d 'une lombalgie."
Plus on est stressé, plus les muscles se contractent… et plus ça fait mal. Un véritable cercle vicieux dont il faut s'échapper au plus vite. La relaxation, la sophrologie, l'autohypnose… sont de bons outils pour dompter son stress.
2/10 - Les kilos en trop pèsent sur vos vertèbres
VRAI. Avoir un ventre un peu trop empâté "déséquilibre le centre de gravité, ce qui crée une hyperlordose", explique le Pr Maugars. Autrement dit, la cambrure naturelle du dos (la lordose) s'accentue. Le surpoids (IMC supérieur à 25) ou l'obésité (IMC supérieur à 30) augmentent la pression sur la zone lombaire, en bas du dos. Les disques intervertébraux risquent de s'user prématurément, et provoquer des douleurs.
3/10 - La ceinture lombaire peut être utile
VRAI …mais pas toujours ! En avril 2019, la Haute Autorité de santé (HAS) rappelait que ces ceintures "n'avaient pas démontré d'efficacité sur la lombalgie." Et ajoutait qu'il était possible d'envisager de les porter seulement "sur une courte durée, pour aider à la reprise d'activités." De fait, lors d'un épisode douloureux, elles peuvent remettre les patients en mouvement plus rapidement, en leur ôtant la peur d'avoir mal. Mais ce "tuteur" ne doit pas être porté plus de 2 à 3 heures par jour, et pas de manière prolongée, pour ne pas risquer une fonte des muscles.
4/10 - Le tabac est un poison pour le dos
VRAI. Avec sa nicotine et ses 4000 substances chimiques, la cigarette n'empoisonne pas que le cœur et les poumons. Plusieurs études ont ainsi montré que le tabac augmente le risque de souffrir d'une lombalgie chronique. Pourquoi ? Parce que fumer envoie jour après jour des toxiques vers les disques intervertébraux, et les fait vieillir prématurément. Ils ne jouent plus correctement leur rôle d'amortisseur. Le cerveau d'un fumeur serait aussi plus sensible à la douleur. La bonne nouvelle ? Si vous écrasez votre dernière cigarette, ces effets sont réversibles. À bon entendeur…
5/10 - C'est normal d'avoir mal au dos avec l'âge
FAUX . "L'âge ne condamne absolument pas à souffrir de lombalgies : le dos n'est pas comme une voiture qui va s'user jusqu'à la casse à force d'utilisation", rassure Éric Bouthier, kinésithérapeute à Lyon et créateur du site Comprendre son dos. Certes, 84 % des personnes seront touchées, au cours de leur vie, par un mal de dos, mais sa fréquence n'augmente pas avec l'âge. Elle est plus ou moins constante, hormis un pic à l'adolescence et au milieu de l'âge adulte.
6/10 - C'est à cause d'un déplacement de vertèbre
FAUX. Les professionnels des manipulations (ostéopathes, chiropracteurs et même certains kinés) surfent souvent sur cette notion pour expliquer leur intervention. Sauf que "se déplacer une vertèbre, ça n'existe pas. Et heureusement, puisque leur rôle est de protéger la moelle épinière", détaille le Pr Rannou. Seul un violent traumatisme pourrait causer un déplacement, nécessitant alors l'intervention urgente d'un chirurgien de la colonne, pour éviter une paraplégie.
7/10 - Une hernie discale c'est toujours très douloureux
FAUX. Les douleurs intenses, tel un "coup de poignard", ne sont pas un mythe, mais elles ne concernent pas toutes les hernies, loin de là. "Le premier stade de lumbago est une déchirure du disque. Quand ce disque déborde sur le canal rachidien, on parle de hernie discale", précise le Pr Maugars. Ce qui est douloureux, c'est quand la hernie provoque une inflammation, parce qu'elle comprime une racine nerveuse. Quand l'excroissance se produit à un endroit où il n'y a pas de nerfs, elle peut donc passer inaperçue. Et disparaître spontanément sans avoir fait "parler" d'elle.
8/10 - Pour éviter d'avoir mal, il faut se tenir droit
FAUX . Ne te penche pas, assieds-toi droit, mets une planche sous le matelas... Les injonctions au redressement perpétuel ont la vie dure, mais sont fondées sur ce que l'on sait aujourd'hui être un mythe : "Pour s'éviter un mal de dos, il n'existe pas de posture idéale à adopter", insiste Éric Bouthier. "Le dos n'est pas fait pour se tenir droit en permanence. C'est ridicule, car on a tous naturellement des courbures, et aussi néfastes que de rester avachi en permanence", détaille Alexandra Roren, kinésithérapeute dans le service de rééducation de l'hôpital Cochin. "Le corps est fait pour bouger, en trois dimensions."
9/10 - Les talons sont déconseillés
FAUX. "Le pied n'explique pas le dos, balaie François Rannou. La moitié des femmes disent avoir plus mal en ballerines, l'autre en portant des talons." Les études qui ont évalué l'incidence de talons hauts sur la courbure ou la musculature du dos n'en ont pas trouvé. La question "doit être laissée à l'appréciation de chacun", conseille le Pr Rannou, avec cette règle de bon sens : porter des chaussures adaptées à son activité. Quant aux semelles orthopédiques, "que ce soit en prévention ou en soin, les études ne leur trouvent pas ou très peu d'efficacité sur la lombalgie", indique Éric Bouthier.
10/10 - Il faut bouger, même quand on a mal
VRAI. "Quand on ne fait pas de sport, les muscles fondent, s'atrophient", alerte le Pr Yves Maugars. Affaiblis, ils ne soutiennent plus correctement la colonne vertébrale. « Ce qui est vrai pour le muscle l'est aussi pour l'os. Pour bien fonctionner, les disques intervertébraux ont besoin de sollicitations."
Alors, si sur l'échelle de la douleur, vous êtes plus près de 10 que de 0, vous pouvez commencer par vous allonger. Mais pas plus de quelques heures ! Après, il faudra se lever, et bouger, au moins 30 minutes par jour, en respectant, bien sûr, vos capacités.