Energie : Les marchés sceptiques sur l'utilisation concertée des réserves stratégiques de pétrole

Publié par DK NEWS le 24-11-2021, 15h09 | 8

La décision de Joe Biden de libérer des réserves stratégiques de pétrole, dans une 
coalition inédite de pays consommateurs d'or noir visant à faire baisser les prix, 
a été accueillie avec scepticisme par les marchés mardi.

 

Puiser dans les réserves est une "initiative majeure" qui va "faire la différence", a assuré le président.
"Les prix de l'essence à la pompe sont trop hauts à l'heure actuelle (...) mais on va tourner la page au début de 2022", a promis sa secrétaire à l'Energie, Jennifer Granholm, à la Maison Blanche.
La rumeur courrait depuis plusieurs semaines, et a été confirmée mardi: les Etats-Unis vont relâcher dans les mois qui viennent 50 millions de barils de brut, puisés dans leurs réserves stratégiques, pour faire pression sur les prix à la pompe. Initiative inédite, d'autres pays consommateurs vont rejoindre les Etats-Unis en déversant aussi du pétrole sur le marché: Chine, Inde, Japon, Corée du Sud, Royaume-Uni. L'Inde s'est engagée à participer à hauteur de 5 millions de barils. L'apport des autres nations, en revanche, est encore flou.
La porte-parole de la Mais on Blanche Jen Psaki a pris garde de ne pas s'engager sur les volumes puisés par chaque nation, indiquant seulement que des "conversations" avaient eu lieu avec ces pays et que certains avaient déjà libéré des réserves. "On ignore à quelle hauteur la Chine va contribuer mais je pense que ce sera mince, car contrairement aux Etats-Unis, ils sont de gros importateurs de pétrole", a indiqué James Williams de WTRG Economics. La Maison Blanche espère, par ces mesures exceptionnelles, apaiser la tension sur les prix de l'essence, alors que le prix du gallon (3,78 litres) a grimpé de 60% en un an aux Etats-Unis, pour atteindre 3,41 dollars, selon l'Association automobile AAA.
Malgré les appels du pied répétés de la Maison Blanche aux pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pour qu'ils augmentent leur production --ce qui ferait baisser les cours--, ceux-ci s'en tiennent à leur programme de restauration prudente et progressive. "Si les prix du brut ont augmenté, c'est parce que les pays producteurs ont été chiches sur leur production", reproche John Kilduff d'Again Capital. Pour l'analyste du marché pétrolier de Rystad energy, Bjornar Tonhaugen, l'initiative pourrait être vue "comme un geste agressif vis-à-vis de l'Opep+". "Le groupe des pays producteurs pourrait alors en th éorie couper dans sa production en janvier pour maintenir ses profits", a-t-il suggéré.
Paradoxalement, les cours du brut sont repartis en forte hausse mardi, après l'annonce de cette initiative coordonnée qui va augmenter l'offre de pétrole.
Les rumeurs sur une telle action avaient déjà fait perdre 5 dollars au prix du baril, depuis son pic de fin octobre pour le Brent.
Le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en janvier a bondi de 3,27% à 82,31 dollars. A New York, le baril de West Texas Intermediate (WTI) pour le même mois a engrangé 2,22% à 78,50 dollars. "Le marché réagit ainsi car entre les gros titres et la réalité, il y a une différence", a expliqué Andy Lipow de Lipow Oil Associates.
L'analyste notait, pour relativiser l'impact de la mesure, que 50 millions de barils représentent une fraction seulement de la consommation annuelle américaine, qui se monte à 19,5 millions de barils par jour: ils correspondent donc "à trois jours de demande des raffineries américaines". "Les gros titres parlent d'une libération de 50 millions de barils, mais dans les faits (...), 18 millions seront vendus sur le marché, tandis que les 32 millions restants sont un +échange+, c'est-à-dire qu'ils devront être remboursés plus tard, plus cher", a encore expliqué Andy Lipow. Une grosse p artie des réserves américaines déversées ne sont donc qu'un prêt et devront être reconstituées. La mesure pourrait n'avoir qu'un impact limité et de courte durée sur les cours, selon les analystes, même si symboliquement et psychologiquement, elle n'est pas anodine. "C'est symbolique, parce qu'il est difficile pour l'administration d'agir autrement pour faire baisser les prix de l'essence à moins d'accroître l'offre considérablement", a estimé Andy Lipow de Lipow Oil Associates. "50 millions de barils n'est pas un chiffre insignifiant", relève par ailleurs James Williams.
"Mais si j'étais président et que je devais mettre du pétrole sur le marché pour faire baisser les prix, j'attendrais d'être plus près des élections pour avoir un impact psychologique plus grand", a commenté l'analyste.