La prison rouge de Ferdjioua (Mila), témoin de la barbarie de la France coloniale

Publié par DK NEWS le 15-06-2020, 17h09 | 82

Les rescapés de ce sinistre de lieu sont marqués dans leur chair et leur âme par les infamies perpétrées par les bourreaux de la France coloniale, et les murs des cellules de la prison semblent encore renvoyer de lointains échos des cris des torturés. 
Le moudjahid Brahim Raslaïne, âgé de 85 ans et originaire de région de Ain el Baida Ahriche (ouest de Mila), fait partie de ces rescapés. 
Responsable à l'époque de la Nahia-3 de la zone-1 de la wilaya historique-2, il se rappelle : "Quiconque est transféré vers la prison rouge est perdu". 
Le Moudjahid fut arrêté vers la fin de la révolution à la suite d'un accrochage avec l'ennemi à Rebaâ près de Ferdjioua, durant lequel il perd connaissance après avoir été grièvement touché à l'épaule. 
"A mon réveil, je me suis retrouvé à la prison rouge. J'ai passé deux mois dans une cellule obscure et étroite avant d'être transféré vers d'autres prisons puis relâché quelques jours avant l'Indépendance".  "Mes bourreaux ont choisi de me torturer en laissant mes blessures sans soins. Je ne pensait pas sortir en vie de cet enfer", a ajouté Brahim Raslaine, poursuivant douloureusement que "le plus pénible était d'entendre les cris incessants des autres détenus torturés guettant la mort à tout moment". 
"Les craintes étaient accentuées par les gémissements émis par les prisonniers torturés pendant leurs interrogatoires et les cris d'Allah Akbar lancés par ceux qui allaient être exécutés souvent en les jetant vivants par-dessus Kef Zouabek près d'El Ayadhi Barbès à quelques kilomètres de Ferdjioua", a-t-il déclaré. 
Parmi les méthodes abominables de torture pratiquées dans cette prison, le moudjahid Brahim cite la gégène, qui consiste à électrocuter les parties les plus sensibles du corps, l'asphyxie en plongeant la tête du détenu dans de l'eau ou encore celle durant laquelle les détenus sont forcés de casser des pierres puis de ramper par dessus. 
La prison rouge...une école des techniques de torture

 Mohamed Boussebta, enseignant d'histoire à l'université Abdelhafid Boussouf de Mila, explique de son côté, que la prison rouge était "une école des techniques de torture'', qui reflétait le s crimes contre l'humanité commis à l'écart des regards de l'opinion internationale par la France coloniale contre ceux qui se sont révoltés contre sa tyrannie. 
 Les atrocités qui y ont été perpétrées témoignent aux générations de la politique de torture systématique adoptée par la France coloniale contre les Algériens, a souligné l'universitaire. 
 Selon l'historien, qui a consacré une de ses recherches à cette prison et dont le père y a été détenu en 1958, "peu ont quitté en vie la prison rouge et la plupart des rescapés conservent des séquelles de leur séjour dans ce triste lieu''. 
 Les détenus étaient suspendus en l'air par les pieds puis frappés et brûlés, leurs dents étaient arrachées en plus de leur privation de nourriture et de sommeil durant de nombreux jours. 
Les détenus relâchés étaient obligés à exiler pour préserver leurs vies laissant derrière eux leur famille comme ce fut le cas pour le père de l'universitaire, poursuit ce dernier. 
 Pour sa part, le directeur de wilaya des Moudjahidine, Karim Ghodbane, a considéré que la prison rouge, qui tire son nom de la couleur de la pierre et de la terre avec lesquelles elle a été construite, était ''un établissement de répression de la population de la région de Ferdjioua et ses environs". 
 Construit en 1955, l'établissement pénitentiaire e st l'un des plus grands de la Nahia historique-3. 
Outre le pavillon de l'administration, il comptait 29 cellules individuelles et collectives, dont deux pour les détenues femmes, une salle d'interrogatoires et trois autres cellules pour les condamnés à mort, a ajouté le responsable. 
 Selon les témoignages d'anciens détenus consignés dans le guide historique de la wilaya de Mila durant la Révolution libératrice, tous les détenus devaient être interrogés sous d'horribles tortures avant d'être ensuite libérés, transférés vers d'autres prisons ou dirigés vers les cellules des condamnés à mort.