Massacre de Zéralda en été 1942 Un crime impuni témoin d'un abominable racisme

Publié par DK NEWS le 31-05-2020, 16h00 | 187


A l’approche de l’été, la population de la commune de Zeralda (Ouest d’Alger) se remémore le massacre perpétré, en août 1942, par le colonialisme français à l’encontre de 25 Algériens, victimes d’un abominable racisme et d’une exploitation inhumaine, restés à ce jour un crime impuni. 
Au cimetière de Sidi Menif, les stèles des tombes gardent intacts, 72 ans après, les noms des enfants et adultes assassinés par asphyxie dans une cave de 15 m2 sans aération au sous-sol de la Mairie de l’époque, et où les enfants de la région se recueillent toujours avec "une vive émotion" à la mémoire de leurs pères et grands-pères, victimes du colon raciste Denis Fourcade, explique le chercheur en histoire Amar Belkhodja. 
"C’est l’un des crimes coloniaux impunis que l’armée française avait tenté d’étouffer si ce n’était une enquête publiée en 1946 par le journaliste Abdelkader Safir dans "Egalité", organe de l’Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA), précise Belkhodja lors du tournage du film documentaire "Crimes impunis" de Nadir Hadef. 
Il a indiqué que dans le cadre de ses recherches sur les crimes de la France coloniale, cet article a été la clé pour identifier les victimes et comprendre les raisons qui avaient conduit à leur emprisonnement, une nuit entière dans la cave de la Mairie. 
Le reportage montre qu’au moment où le Monde était occupé à combattre l’expansionnisme nazi, la France coloniale s’adonnait aux plus atroces crimes contre les civils, sans distinction d’âge ou de sexe. 
Sur injonction du maire de Zeralda, le sinistre Denis Fourcade, connu pour son racisme et sa haine à l’égard des Algériens, la police a mené une rafle contre des paysans et leurs familles au motif de transgression de l’interdiction d’accès à des lieux réservés aux Français, pour les uns, et de refus de travail, pour d’autres. 
Une trentaine de personnes avaient été, ainsi, parquées dans une cave humide et sans aération au sous-sol de la Mairie par une nuit suffocante d’août 1942. 
"C’était une nuit atroce pour tous", témoignent des enfants et proches des victimes dans le film documentaires, à l’instar de Mazouzi Sedik, Benyahia Hadia, Boudina Brahim et Louz Mehdi. 
Ils racontent que la scène dépassait l’imaginaire avec les cris de détresse des victimes qui déchiraient la nuit, sans que personne de leurs proches n’ait pu arriver à eux pour mettre un terme à leur calvaire. 
Lorsque l’air s’était compl ètement épuisé et que les suppliciés commençaient à tomber les uns après les autres, les survivants, cinq d’après les récits, se relayaient pour respirer à travers le trou de la serrure et le dessous de la porte en fer fermée toute la nuit. 
Selon les témoins oculaires, les corps sans vie des victimes découverts le lendemain avaient été rapidement évacués à bord de camions de l’armée coloniale vers le cimetière de Sidi Menif où les villageois avaient été interdits de les enterrer eux-mêmes, comme il aurait sied à des Chahids. 
"Ils étaient 25, dont le plus jeune âgé à peine de 15 ans et le plus vieux de 60 ans", affirme l’historien Amar Belkhodja. 
Pour les enfants de Zeralda, le massacre de leurs pères et grands-pères n’était que le début d’autres massacres perpétrés par la France coloniale quelques années plus tard, le 8 mai 45 à Sétif, Guelma et Kherata. Ils s’accordent à dire également que "les dépouilles des innocents dans la cave de la Mairie avaient été l’une des étincelles du déclenchement de la Glorieuse Révolution de libération nationale". 
Paisible ville côtière sous le soleil de la liberté recouvrée, Zeralda garde encore la blessure de cette douloureuse histoire et les enfants et petits-enfants des victimes n’arrivent toujours pas à comprendre toute cette haine coloniale qui l’a motiv é. 
Les récits sont multiples, comme le montre le film documentaire, produit par le ministère des Moudjahidine en 2013. 
Selon des témoins et des chercheurs, le colon Fourcade a voulu se venger des paysans qui avaient rouspété pour leur faible rémunération en contrepartie du travail fourni dans les vignes. Pour le professeur d'histoire, Mohamed El Amine Belghit, ce crime perpétré au XXe siècle "est une illustration de la tyrannie coloniale en l’absence des libertés générales". 
L’interdiction d’accès à la plage de la commune pour +les indigènes et les chiens+ est le summum du racisme, tel que compris dans les doctrines des Etats-Unis, d’Australie, de Nouvelle Zélande et même d’Afrique du Sud avec l’apartheid, estime l’historien. 
Pour lui, le massacre de Zeralda est à inscrire sur la liste des nombreux massacres et tueries perpétrés depuis les premières années de la colonisation dans la Metidja, notamment à Blida, Larbaa et Ghar El Frachiche dans la région de Ténès (Wilaya de Chlef actuellement).