Vingt-six décès supplémentaires ont été enregistrés depuis mardi, ont annoncé le même jour les autorités sanitaires chinoises, faisant état au total de 132 morts et d'environ 6.000 cas confirmés de contamination en Chine continentale (hors Hong Kong).
Un chiffre qui dépasse désormais le nombre - 5.327 - des malades du Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère), un précédent coronavirus qui avait fait en 2002-2003 un total de 774 morts, dont 349 sur le territoire chinois.
Parallèlement, la liste des pays touchés s'allonge, les derniers en date étant les Emirats arabes unis et la Finlande. "Le monde entier doit être en alerte, le monde entier doit agir", a à cet égard déclaré mercredi de Genève Michael Ryan, le directeur des programmes d'urgence de l'OMS, qui aura jeudi une nouvelle réunion d'urgence.
Celle-ci sera consacrée à "la question de savoir si l'épidémie actuelle constitue une urgence de santé publique de portée internationale", a expliqué le directeur général de cette organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus, à son retour de Pékin.
"La plupart des plus de 6.000 cas du nouveau îcoronavirus se trouvent en Chine - seulement 1%, soit 68 cas, ont été enregistrés à ce jour dans 15 autres pays. Mais une transmission interhumaine a été enregistrée dans trois pays en dehors de la Chine", à savoir l'Allemagne, le Vietnam et le Japon, et la a-t-il ajouté.
De leur côté, une vingtaine d'Etats étrangers ont annoncé environ 80 cas confirmés au total sur leur sol. Signe du durcissement des mesures de précaution au niveau international, des compagnies aériennes comme British Airways, l'Allemande Lufthansa et l'Indonésienne Lion Air, qui exploite la plus grande flotte aérienne d'Asie du Sud-Est, ont à leur tour annoncé la suspension immédiate de tous leurs vols vers la Chine continentale. Et ce après que plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis, y avaient déconseillé tout voyage. Hong Kong a de son côté décidé de fermer six de ses 14 points de passage terrestre avec le reste de la Chine.
Dans le même temps, environ 200 Américains et 206 Japonais évacués de Wuhan sont arrivés respectivement en Californie et à Tokyo. Près de 600 citoyens européens veulent aussi être évacués de Chine, a annoncé mercredi la Commission européenne, qui recommande à son personnel de ne pas s'y rendre.
Paris prévoit de ramener à bord de deux avions au moins 350 Européens, dont 250 Français. Le premier décollera "probablement vendredi". Et Berlin a annoncé l'évacuation de quelque 90 Allemands présents à Wuhan "dans les prochains jours". A l'instar de plusieurs autres compétitions sportives (cyclisme, football, tennis), les épreuves de Coupe de monde de ski alpin prévues en Chine pour février ont été annulées.
L'OMS juge contre-productif de fermer les frontières
L'OMS a averti vendredi que la fermeture des frontières avec la Chine, foyer du nouveau coronavirus, serait contre-productif car cela risque de pousser les personnes à voyager illégalement, favorisant la propagation de l'épidémie.
"Il a été dit et réitéré très clairement que les restrictions aux voyages et au commerce ne sont pas recommandées par l'Organisation mondiale de la santé", a souligné un porte-parole de l'OMS, Christian Lindmeier, lors d'un point de presse à Genève. "Il semble peut-être logique de dire +Regardez, nous voyons un danger venir, alors enfermons-nous+. Mais comme l'ont montré d'autres situations, comme notamment avec Ebola, quand les gens veulent voyager, ils le font. Et si les frontières officielles ne sont pas ouvertes, ils trouveront d'autres points de passage informels", a-t-il dit. Alors que l'angoisse mondiale monte autour du virus, qui a tué 213 personnes en Chine depuis son apparition fin décembre dans ce pays, la Russie, Singapour et la Mongolie, ont annoncé la fermeture de leurs frontières aux voyageurs venant du géant asiatique afin de tenter de limiter la propagation de l'épidémie de pneumonie virale.
Or, a relevé Christian Lindmeier, "la seule façon de contrôler qui passe par les frontières et de surveiller s'ils présentent des signes d'infection, c'est en les faisant passer par des points de passage officiels". Il est dont "important" de laisser les frontières ouvertes car tout franchissement illégal augmenterait le risque de propagation de l'épidémie, a-t-il insisté. Si l'OMS estime qu'il n'y a pas lieu de limiter les voyages avec la Chine, le directeur général de l'organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a loué avec véhémence, et à de multiples reprises, les mesures prises par Pékin - dont la mise en place d'un cordon sanitaire qui concerne quelque 56 millions de personnes - pour endiguer l'épidémie. Interrogé sur la différence d'appréciation de ces mesures d'isolement, le porte-parole de l'OMS a rappelé que son directeur avait dit espérer que les mesures chinoises soient "à la fois efficaces et de courte durée". Le nombre de patients contaminés approche 10.000 en Chine continentale (hors Hong Kong et Macao), dépassant celui atteint lors de l'épidémie de Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002-2003. Si l'immense majorité des cas de contamination restent localisés en Chine, une centaine ont également été déclarés dans près de 20 autres pays, y compris en Europe et Amérique du nord. L'OMS et la Chine se sont mis d'accord sur l'envoi d'une mission internationale d'experts, mais les détails ne sont pas encore connus, a indiqué l'organisation vendredi.
De possibles traitements à l'étude
Plusieurs pistes de traitements sont à l'étude contre le nouveau coronavirus qui a émergé en Chine et pour lequel aucune thérapie n'a encore fait ses preuves, a indiqué vendredi un médecin expert. Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'Institut d'immunologie, inflammation, infection et microbiologie (I3M) à l'Inserm (Institut de la recherche médicale) et expert auprès de l'OMS, a indiqué que "trois stratégies sont à un niveau avancé" lors d'une conférence de presse à Paris. La première consiste à utiliser le Kaletra seul, médicament anti-VIH/SIDA (association de deux molécules antivirales lopinavir et ritonavir). "Un certain nombre de collègues chinois l'ont utilisé en Chine dans le cadre des essais cliniques, dont on n'a pas encore les résultats", a-t-il dit. La deuxième option est d'associer ce médicament à l'interféron (antiviral et immunothérapie), une combinaison utilisée sur le coronavirus Mers (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) dans un essai clinique en cours.
La troisième repose sur le remdesivir, un antiviral ayant servi dans le passé pour Ebola. On a très peu de données sur son efficacité. D'après un article de la revue Nature, l'efficacité "semble plus importante que le Kaletra". Autres pistes possibles, des traitements à base d'"anticorps monoclonaux", "mais c'est moins avancé", a-t-il relevé. "L'OMS va commencer assez rapidement un essai clinique randomisé international (basé sur des tests comparatifs avec tirage au sort, ndlr). En attendant, on voudrait utiliser des traitements chez des patients graves au moins", a-t-il dit. Les chercheurs peuvent s'inspirer des travaux sur les deux autres coronavirus Srars et Mers à l'origine d'épidémies mortelles, celle du Mers étant toujours en cours. Mais la possibilité de cultiver ce nouveau coronavirus permet aussi de tester des molécules, dont certaines déjà disponibles pour d'autres pathologies, souligne M. Yazdanpanah.