Interview

Entretien avec Ferial Bentchikou Furon, Présidente de FARR (Franco-Algériens Républicains Rassemblés)

Publié par Cherbal E-M le 15-10-2016, 12h21 | 968
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Après quelques années  d’existence, pensez-vous que votre association a fait son  chemin ?

 

Oui FARR (Franco Algériens Républicains Rassemblés) a fait son chemin depuis son lancement en janvier 2014. Indéniablement ! Nous avons bâti notre mouvement sur des fondamentaux clairs et solides. Et il y a une cohérence certaine dans nos objectifs et actions. Nous avons réalisé beaucoup d’événements de qualité dont le sérieux est reconnu par tous. Pas plus tard qu’hier lors d’une de nos rencontres régulières autour d’un ouvrage, une sympathisante me disait venir s’alimenter intellectuellement chez FARR. C’est une belle reconnaissance de notre devise : éclairer les esprits pour favoriser le dialogue. Chacun peut puiser dans les activités de FARR de quoi alimenter sa réflexion personnelle pour, in fine, aboutir à un résultat dépassant la somme des parties et servant la société dans son ensemble : c'est là que réside le secret vertueux de FARR.

Nous avons été heureux de proposer au mois de juin dernier un « voyage initiatique au cœur de nos racines » à des jeunes français d’origine algérienne au moment où la France souffre d’une crise identitaire sans précédent. Cette crise dure et s’installe profondément dans notre société. Elle s’alimente par le contexte effrayant de terrorisme qui se réclame de l’islam. Au sein de FARR et ce depuis la naissance de notre mouvement, nous avons toujours voulu nous investir auprès d’une jeunesse parfois en manque de repère afin qu’elle se construise positivement et prenne toute sa place au sein de la société française.

Nous avons réalisé ce voyage éducatif et culturel autour de l’Histoire millénaire de l’Algérie grâce à la grande générosité d’une femme remarquable très investie dans la préservation de notre patrimoine historique : Madame Houria Bouhired. C’est la présidente de l’ASCA (Amis Sauvons la Casbah).

Nous sommes convaincus que c’est en renouant la jeune génération avec ses véritables racines que l’on pourra en partie soigner cette crise de l’identité. Ce programme permet aux jeunes de prendre en compte l'apport de toutes les civilisations qui ont irriguées la terre algérienne. Il vise à mettre en évidence la nécessité du dialogue entre les cultures.

Il est important pour ces enfants d’avoir une meilleure connaissance de l’histoire de leurs ancêtres afin d’assumer de façon harmonieuse leur identité biculturelle. Cela leur permet d'améliorer leur estime de soi et de mieux s'ouvrir à l'histoire de la France et de sa culture.

 

Quel sentiment avez-vous face à ce contexte général de stigmatisation né après les attentats de Paris et de Nice ?

J’ai un double sentiment : tout d’abord je suis frappée par la résilience du peuple français. Il existe dans le monde de nombreux pays où il y aurait eu des violences après 250 morts en 18 mois. C’est pour ça que plutôt que d’employer le mot stigmatisation, j’utiliserais le mot défiance. Les Français font heureusement la différence entre les agissements d’une infime minorité sectaire et meurtrière et les citoyens de culture musulmane dans leur écrasante majorité fidèles à la République et à ses Valeurs. Heureusement les Français sans distinction ont compris la stratégie de division et d’affrontement de DAESH et de ses sbires. Il n’en demeure pas moins que cette défiance est une réalité. C’est très préoccupant parce que tous les agitateurs médiatiques du type d’Eric Zemmour, les politiques amateurs de « gauloiseries » font leur miel de cette situation dramatique. Mais il y a plus préoccupant encore : c’est le silence assourdissant et hypocrite du Front National. Dans cette affaire, les franco-algériens se retrouvent pris entre le marteau islamiste et l’enclume identitaire. La situation est dangereuse, il ne faut pas se le dissimuler.

 

Pensez-vous possible de faire avancer le débat sur l’intégration dans la société française ?

Oui, vous avez raison de parler de débat. Pour débattre il faut être deux et il faut que chacun ait réfléchi à son identité et à son devenir. L’intégration des franco algérien est une question posée à la société française mais également aux franco-algériens eux-mêmes. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion sur ce que nous sommes et sur ce que nous voulons être. Paradoxalement le contexte que nous vivons fait obligation et à la société française dans son ensemble et à la communauté franco-algérienne de sortir des non-dits, des fausses pudeurs et d’une certaine forme de paresse intellectuelle. Hier soir j’ai été frappée de l’affluence à une conférence-débat que FARR organisait autour du livre « La République identitaire » de Béligh Nabli…C’est la raison pour laquelle je suis optimiste même si cela peut paraitre aujourd’hui idéaliste.

Je crois très profondément que les événements tragiques que nous venons de vivre ensemble posent une interrogation à la société française toute entière. La question qui se pose à tous est de savoir comment une société somme toute moderne et démocratique peut-elle générer de tels monstres incultes en son sein ? Finalement pour répondre à votre question je reprendrais à mon compte la formule de Gramsci : nous avons le pessimisme de la Raison et l’optimisme de la Volonté.

 

Le contexte des prochaines présidentielles est-il propice d’après vous à faire avancer vos idées ?

Toutes les élections, et particulièrement les élections présidentielles,  comportent leurs parts de démagogie, de populisme, de mensonges même. Il n’est que de regarder avec effarement la lamentable élection présidentielle américaine. Nous allons vivre en France des moments de ce style. Aujourd’hui plus personne ne s’étonne que la présence du Front National au deuxième tour soit une donnée acquise et non un accident politique.

Chez FARR, nous observons un double phénomène à droite de l’échiquier entre ceux qui courtisent de façon assez obscène l’électorat du Front National et ceux qui essayent de rassembler autour d’eux un électorat, ouvert, modéré, progressiste au plan sociétal. La gauche a, cette fois, plutôt tendance à se chercher qu’à intervenir et souffre de son passage au pouvoir dans un contexte de crise économique et identitaire.

Je ne sais pas si, rationnellement, le moment est propice pour faire avancer nos idées, mais nous avons le sentiment que pas mal de choses sont possibles pour le faire.

Parce qu’il est une autre réalité que la démagogie électorale, c’est l’élection elle-même : si des politiciens jouent sur les peurs et l’exclusion d’autres cherchent à rassembler et à apaiser.

Il y a un vrai électorat franco-algérien, nombreux et intégré dans la société française. Aucun politique ne peut s’en désintéresser. Alors propice ou pas nous sympathiserons avec ceux qui rassemblent et apaisent.

Ceci dit, ce qui nous inquiète n’est pas tant l’écume politicienne d’une campagne électorale même présidentielle mais la dynamique d’affrontement qu’elle induit sur le long terme.

A droite, mais maintenant aussi à gauche, le jeu politicien consiste à donner des gages verbaux au populisme et à la xénophobie.

Mais ce qui nous préoccupe au plus haut point c’est qu’au fil du temps et des élections nous voyons monter petit à petit les vrais xénophobes et les vrais populistes en l’occurrence le parti de madame Le Pen.

Eux ne jouent pas et d’ailleurs, ils se taisent.

Pourquoi parleraient-ils ? Les autres parlent pour eux… !!!

Ils avancent à bas bruit…

Les sondages parlent de 30% pour le Front National en 2017, à ce rythme quel niveau en 2022 ? 40% ?

D’après nous c’est cela la vraie question que pose cette campagne électorale.

 

Comment  voyez vous l’état des relations algéro-françaises ?

Les relations algéro-françaises sont avant tout imposées par la géographie. D'ailleurs celles-ci remontent à bien avant 1830. Elles sont de surcroît rendues plus fortes encore par l'empreinte héritée de la présence coloniale, puis, plus récemment par les défis communs auxquels doivent faire face les deux pays, le développement de l'espace méditerranéen et la lutte contre le terrorisme international en particulier. C'est dire si la relation franco-algérienne est multidimensionnelle ! Cela augmente d'autant les voies d'approfondissement de la relation, tant il est vrai qu'aussi bien la France que l'Algérie disposent d'une grande réserve de compétences, enthousiastes et volontaires, n'attendant que de nouvelles opportunités pour échanger et bâtir une prospérité commune durable. D'un point de vue qualitatif, ces relations ont certes suivi une courbe en dents de scie, mais force est de constater qu'elles ont connu une nette amélioration depuis le début des années 2000. Et tous les critères objectifs invitent à la poursuite de cet élan ! Du point de vue de FARR cette relation est d'autant plus capitale que des millions de franco-algériens entendent participer à la fluidification et à la consolidation de celle-ci. Le rapprochement entre les deux peuples constitue d'ailleurs l'un des objectifs fondamentaux de FARR. À cet effet, nous entendons continuer de fédérer les bonnes volontés afin de faire des relations entre la France et l'Algérie un exemple à suivre en matière de coopération bilatérale efficace. FARR sera toujours volontaire dès lors qu'il s'agira de multiplier les ponts, de soutenir les initiatives prometteuses et de diffuser cet esprit d'ouverture qui est notre meilleur gage de succès dans un monde qui requiert - mondialisation oblige - le recours à toutes les synergies disponibles !

CEM

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