Installé depuis peu à la tête du Centre de zecherche et développement de France de l’équipementier chinois Huawei, la quarantaine pas encore entamée, le professeur Debbah compte parmi les références internationales en recherche dans les domaines mathématiques et algorithmiques, dédiés aux technologies mobiles de la 4G et 5G.
Un petit tour par un moteur de recherche sur internet suffit à édifier sur les titres et exploits de ce jeune chercheur algérien, dans un domaine pointu des télécommunications mobiles. L’équipe DKNews de Paris l’a rencontré.
DKNews : Comment vous présenter ?
M.D : Je suis originaire de la région de Constantine, né en 1975, à Madrid, où mon père était en poste en qualité de diplomate. Je reviens en Algérie à l’âge de 6 ans pour suivre une scolarité ordinaire qui se terminera au Lycée Cheikh Bouamama, Descartes à l’époque, que je quitte pour venir à Paris passer mon baccalauréat, au lycée Henri IV, en 1993.
Après un cycle universitaire de normalien, je m’engage, de 1999 à 2002, pour une thèse de doctorat, sur financement de Motorola, consacrée aux technologies wifi. Alors que l’on prédisait le meilleur des avenirs pour ce créneau des technologies sans fil, voilà que survient la crise de la bulle dégonflée des nouvelles technologies et notamment de l’internet, au début des années 2000.
En tant qu’acteur des TIC, comment l’avez-vous vécue ?
Je dois vous avouer que je l’ai vécue à mon corps défendant, puisque juste après avoir achevé ma thèse, les horizons s’obstruent en quelque sorte. Il devenait en effet difficile de trouver un job, en dépit des titres et diplômes obtenus. Je ne vous cache pas qu’à certains moments j’étais tenté par un retour au bercail, en Algérie, pour tenter de me relancer.
C’est alors qu’une opportunité s’est offerte et je me suis retrouvé en 2002, senior-researcher au centre de télécommunications de Vienne en Autriche, où j’ai eu à travailler sur les technologies MIMO ; acronyme de Multiple- Input Multiple – Output, soit une technologie de réseaux d'antennes en usage dans les réseaux sans fil et réseaux mobiles qui garantit une transmission de données de plus longue portée et de plus grande vitesse.
Votre ‘’exil’’ autrichien n’a pas trop duré ?
Effectivement une année à peine, le consortium de recherche Eurecom, une grande école d’ingénieurs, en même temps centre de recherche en système de communications qui regroupe de prestigieuses universités européennes, fait appel à moi pour travailler, en tant que maître de conférences, dans le département des télécommunications mobiles.
En 2007, je suis appelé à quitter le sud de la France pour rejoindre Supélec à Paris en tant que professeur et diriger la chaire Alcatel-Lucent. Je me consacre essentiellement à la recherche en radio flexible, une technologie d’avenir pour la téléphonie mobile.
Le but est d’arriver, grâce à des logiciels à reconfigurer de manière dynamique tous les systèmes radio, qui sont actuellement divers et incompatibles, et de faire fonctionner de manière harmonieuse, sur le même terminal, ces divers standards de télécommunications.
En surfant sur différents réseaux et standards, la radio flexible peut permettre à un terminal téléphonique de se transformer en GPS, en talkie-walkie, lecteur de code barres….
L’intérêt d’une telle technologie ira crescendo surtout avec le développement de l’internet des objets.
Malgré cela, vous avez été tenté par le challenge chinois !
Effectivement quand l’équipementier chinois Huawei a décidé d’implanter un Centre recherche et développement en France, en 2014, on a fait appel à moi en mai dernier pour diriger la recherche en tant que vice-président.
Huawei est un fournisseur global de solutions dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, travaillant avec 45 des 50 plus importants opérateurs sur le marché mondial. Par ses produits et solutions, il est présent dans plus de 140 pays et touche pratiquement un tiers de la population mondiale.
Le centre de recherche emploie plus de 140 chercheurs autour des 5 thématiques suivantes : les algorithmes et mathématiques, le ‘big data’, les chipsets et l’électronique embarquée, les objets connectés, et le design. Nous travaillons surtout sur des technologies du futur, la 5G dont le déploiement est envisagé à l’horizon 2020.
Les défis étant de pousser le débit toujours plus haut, en intégrant les nouveaux environnements, notamment les technologies 3D, le big data et les réseaux sociaux, dans une démarche de convergence globale. Avec de telles perspectives, de grandes capacités d’investissement et de recherche et la vision prospective que développe Huawei, il était effectivement difficile de ne pas tenter l’expérience.
Huawei n’est justement pas un inconnu sur le marché algérien...
Je sais que l’entreprise est présente sur le marché algérien et je devine bien que cela constitue un segment important dans la stratégie internationale de Huawei.
Le grand patron, que nous appelons le CEO (Chief Executive Officer) qui ne quitte que très rarement le siège social de l’entreprise à Shenzen , est venu il y a quelques semaines ici à Paris pour rencontrer le Premier ministre français.
Il est passé nous voir, ici au siège du Centre de Recherche et Développement à Boulogne-Billancourt, mais pas pour longtemps car il avait programmé de se rendre à Alger. J’avoue que cela est, pour moi signe d’un grand intérêt de la part d’une entreprise de la taille de Huawei.
Avez-vous des contacts professionnels en Algérie ?
Il m’est arrivé effectivement de répondre à des sollicitations pour des conférences ou des consultations sur certains dossiers comme par exemple lorsqu’il était question de lancer la 4G en Algérie.
Nous avons longuement débattu avec des chercheurs et institutionnels algériens sur les opportunités de la 4G et sur les perspectives qu’elle offre non seulement pour la téléphonie fixe mais aussi pour les terminaux mobiles. Quels que soient les choix technologiques opérés, le marché algérien des télécommunications est en plein boom et trouvera toujours ses marques et repères.
Quel regard sur le pays ?
Un regard qui vient du cœur et des profondes références culturelles et identitaires qui nous été inculquées. Je dirai même, pas que cela, puisque je considère que mon amour des mathématiques est né, en partie, de ma formation initiale en Algérie, qui dispose quoi que l’on dise d’un enseignement des mathématiques de qualité.
Pour le reste, où et qui que l’on soit, nous suit toujours ce background identitaire et culturel qui constitue un ferment de réussite.