Editorial

Moha benyamina : Un maquisard precoce

Publié par Par Amar Belkhodja (*) le 03-11-2014, 19h09 | 282
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Issu de la tribu des Halouia, Belhouari Mohamed Ould Benyamina est né en 1901 à Keria. Il est beaucoup plus connu sous le nom de Moha Benyamina, « Moha « étant le diminutif de Mohamed, usité dans les hauts-plateaux et en Kabylie.

Les Halouia occupent une grande partie d’un territoire au nord de la ville de Tiaret. Ils sont voisins avec les Matmata avec lesquels ils ont des alliances familiales et avec les Krayech Moha Benyamina est réputé pour sa forte corpulence.

Sa vie sera mouvementée à cause d’un caractère impulsif. Il vit à l’aise, tirant ses revenus d’une exploitation agricole. C’est d’ailleurs. L’un des rares algériens à avoir possédé un véhicule automobile au début de ce siècle. Moha Benyamina n’aime pas être contrarié. Il a des idées bien faites et gare à celui qui tente de lui opposer des opinions contraires aux siennes.

On raconte qu’un jour, il mit le feu à sa propre voiture. Pourquoi ? Tout simplement parce que son véhicule tomba en panne dans les méandres de Oued – Lili. Moha Benyamina n’a pas l’habitude d’être lâché. « Je ne t’ai pas achetée pour que tu m’abandonne en pleine nature «. Accompagnant le geste à la parole, il gratte une allumette et flambe l’engin infidèle.

Désormais, Moha Benyamina va se tailler une légende qui fait de lui le grand défenseur de la paysannerie pauvre. Il est aimé de la population du djebel et craint des gendarmes et des auxiliaires, caïds cupides et autres valets du colonialisme. Moha Benyamina est courageux et manie bien le fusil. Ce rebelle à l’ordre colonial depuis les années 1940, devient un grand chasseur.

Dans ses passionnantes randonnées, il se plaisait à offrir son gibier aux familles montagnardes qui lui accordaient l’hospitalité. Il avait toujours le mot pour rire. Il était pétillant d’humour. Chacun garde de lui une boutade ou une anecdote. Autrefois, le mois de ramadhan avait coïncidé avec les grandes chaleurs. Durant ce mois les gosiers étaient dessèches.

On raconte que vers 14 heures d’un après – midi suffocant, Moha Benyamina menaça de son arme le Mouadhan « Monte dans ton minaret et entonne l’appel du Maghreb, j’ai besoin d’avaler une gorgée d’eau, vous n’allez pas me laisser mourir de soif « lança-t-il impérativement au brave mouadhan. Moha Benyamina voulait rompre le jeune LICITEMENT, c'est-à-dire avec la complicité d’un agent du culte. Le chasseur solitaire, le fugitif des années 1940, va être bientôt rejoint dans les djebels par la jeunesse de Novembre 1954.

L’Insurrection est générale. Tout le peuple répond à l’appel d’une avant-garde prête à tous les sacrifices pour la liberté « Moha Benyamina était en quelque sorte le doyen des maquisards, c’est d’ailleurs pour cela que tout le monde le respectait «, nous confie Hamdi Sahraoui, certainement le plus jeune maquisard à l’époque. Hamdi nous précisera en outre que Moha Benyamina refusera toujours de prendre une arme automatique.

Il garda son arme de tous les jours depuis qu’il était dans le djebel, un fusil peu ordinaire. Tant d’années passées dans les maquis ont fait de Moha Benyamina un chasseur d’élite. Hamdi Sahraoui nous dira aussi « c’est d’ailleurs le seul djoundi qui jouissait de l’autorisation de circuler d’une zone à l’autre (zone 7 et 4) et d’une wilaya à une autre (wilaya 5 et 4).

Les responsables de l’ALN comprenaient la situation d’un homme habitué à parcourir de grands espaces,à opérer au sein d’une katiba ou dans une section de l’ALN «. Moha Benyamina, qui connaît la région dans ses moindres recoins, sera un précieux guide pour l’ALN. Il refusera aussi de se fixer au niveau du poste de commandement de la zone 7. Le rebelle des années 1940 est très émotif.

Très souvent des larmes trahissaient le rude homme, à la taille impressionnante. Des larmes qui exprimaient le sentiment de se trouver parmi tant de jeunes compatriotes, venus de divers horizons qui se battaient et mouraient tous les jours, pour la patrie algérienne. Il disait à ses compagnons d’armes. « Votre présence me guérit de ma folie.

Car on me disait souvent : « Moha Benyamina, tu es fou de t’opposer tout seul à une grande puissance. « A moins que vous soyez vous aussi devenus fous «, sanctionna-t-il avec des pointes d’humour percutantes que tout le monde lui connaissait. Téméraire et brave, le grand Moha Benyamina.

Très affectueux envers les jeunes djounoud qui prêtaient une oreille attentive pendant les pauses dans les douars, aux longues narrations d’un homme qui avait tant de choses à raconter. L’épopée de Moha Benyamina était truffée de faits exceptionnels, qui ralliaient assez souvent le tragi-comique.

Le mot pour rire, la bouche, le récit passionnant, les humeurs impulsives et irrévocables, tous cela avait tissé une sorte de paternité entre Moha Benyamina et les djounoud de la zone VII, qu’il avait l’occasion de rencontrer au cour de ses « randonnées «.En dépit de sa situation de « voltigeur « permanent, Moha Benyamina participa à plusieurs combats contre l’armée française : « Je refuse d’être abattu dans le dos par l’ennemi. Je me suis fait le serment de lui résister de face «, proclamait le plus vieux et le plus ancien des maquisards.

Dès que les premières Katiba avaient peuplé son « fief «, Moha Benyamina était comblé. Il disait : « Désormais, je peux me considérer comme étant libre et indépendant, même si je meurs avant la victoire finale sur l’ennemi «. Dure fatalité pour le vieux maquisard. Il mourra effectivement avant l’indépendance de l’Algérie. Il périra le 20 février 1959, lors de la grande bataille de Sidi Rabah. Dans la région de Oued – Lili, au Nord de TIARET. Ici, l’armée française se déploie avec tous les moyens terrestres et aériens.

Tôt le matin, des avions survolaient la région. Des hélicoptères déposaient des soldats en grand nombre. Moha Benyamina lançait avec mépris : « Déposez-les, déposez-les, s’adressant aux hélicoptères. Mais êtes-vous sûrs de pouvoir les récupérer ? «. Le feu ne tardera pas à se généraliser. Les Katibas se battent avec fougue.

Comme dans toutes les batailles, l’aviation est meurtrière. Moha Benyamina en sera la victime. Son corps est transpercé par une roquette. Il avait presque 60 ans. Le doyen des djounoud de l’Algérie combattante meurt les mains crispées sur une arme. Un fusil qui ne le quitta jamais depuis qu’il s’insurgea en 1947 contre les autorités locales.
A.B. (*) Journaliste-auteur

 

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