Né en 1885 à Mezourou (Telagh) dans la région de Sidi Bel–Abbès, Belarbi Abdelkader fut un caïd au destin glorieux et honorable.
Lettré en arabe et en français, personnage influent, Belarbi Abdelkader fut nommé au début du XXe siècle comme caïd par l’administration française dans l’espoir que celui – ci servirait fidèlement le colonialisme.
Or, le caïd Belarbi se distinguera de tous les autres caïds, corps constitué pour la plupart d’auxiliaires incultes, incompétents et impopulaires. Ils constituaient le prolongement des administrateurs de communes mixte qui se serviraient d’eux et les méprisaient autant qu’ils méprisaient tous les autres «indigènes». Il exerça d’abord à Sabra dans la région de Tlemcen.
En 1928, une violente altercation l’opposa aux gendarmes. Il s’était révolté parce que pendant qu’ils se trouvaient au chaud à l’intérieur d’un bar, ces gendarmes avaient confié - de force - la garde de leurs chevaux à une femme qui grelottait de froid dehors.
Belarbi chassa les chevaux, libérera la pauvre femme et s’indigna auprès des agents de la répression. Suite à ce premier incident avec des gendarmes, le caïd insoumis fut muté à Telagh par mesure disciplinaire. Dans ce nouveau centre un autre incident se rééditera.
Un jeune administrateur adjoint, nouvellement affecté à la commune mixte, osa tutoyer le caïd Belarbi. Ce dernier toujours digne, leva sa main sur le fonctionnaire indélicat habitué à tutoyer tous les autres caïds par mépris et racisme. Nouvel incident, nouvelle situation, nous sommes en 1930.
Le mouvement national commence à défricher le terrain. Le caïd Belarbi est sensible à la situation de son peuple et suit de très près l’évolution politique de l’ensemble des courants. En 1936, il adhère à l’association des Oulémas d’Algérie. Il lit, fait lire et commente Echihab, El Bassaier, Égalité, la République Algérienne, El Maghreb El Arabi Libre. Il parlait avec passion de deux causes : l’Algérie et la Palestine. La jeunesse, la paysannerie, apprenait beaucoup de chose auprès d’un fervent patriote que l’âge commençait à importuner.
Les relations vont se dégrader entre l’administration française et le caïd rebelle. En Avril 1948, lors des élections des candidats à l’Assemblée Algérienne, le caïd Belarbi prend ouvertement position. Il refuse d’être l’agent de M. Marcel-Edmond Naegelen, gouverneur général de l’Algérie, devenu spécialiste de la fraude électorale et le bourrage des urnes en faveur des auxiliaires du colonialisme.
Le caïd nationaliste laisse les citoyens s’exprimer librement. Résultat : la liste UDMA triomphe dans cette circonscription. Autorités et colons sont « enragés ». Leurs auxiliaires, les « tyranneaux au burnous rouge » sont lamentablement mis en échec.
L’administrateur de la commune mixte de Oued-Sefioun convoque le caïd à son bureau pour lui faire les observations suivantes :« M. Belarbi, malgré plusieurs avertissements et nos rappels à l’ordre, cette fois-ci vous avez manifesté, ouvertement votre attachement et votre sympathie aux mouvements séparatistes et nationalistes. A compter d’aujourd’hui vous n’aurez aucun soutien de ma part et c’est Alger qui décidera de votre sort ».
Le dossier disciplinaire de ce fonctionnaire est maintenant bien chargé. En 1951, le caïd Belarbi est mis à la retraite d’office contrairement aux autres caïds qui sont promus au titre de Bachaghas pour zèle et fidélité à l’administration française. Il a 66 ans. Trois ans plus tard, la guerre éclate. Sa ferme se transforme en «merkez et PC» aux valeureux combattants comme Si Azhari et Si Nouh. Toute la famille de Belarbi adhère au combat armé.
Son neveu Nehari Abdelkader dit Tayeb se révèlera comme un cadre efficace de l’ALN. Les colons de Baudens (région de Sidi Bel-Abbès) ne doutent plus de l’appartenance de Belarbi au mouvement armé. Lui-même est conscient du danger qu’il encourt.
En 1956, il demandera à ses amis et parents, si jamais il est tué par l’ennemi, de venir se recueillir sur sa tombe et lui annoncer l’indépendance de l’Algérie. Deux choses essentielles l’attristaient : ne pas être aux côtés des djounoud et peut être mourir sans voir le drapeau flotter sur les édifices de l’Algérie libre.
Il ne cessait d’ailleurs de glorifier la lutte armée : « L’ALN, c’est le peuple armé. Elle est l’incarnation la plus élevée de ses aspirations révolutionnaires. Son langage, le baroud, va dépasser les frontières montrant que l’Algérie n’est pas française et qu’elle est déjà algérienne depuis le premier Novembre 1954 ».
Le 14 Janvier 1957, le lieutenant de SAS Chupin et sa troupe encerclent la ferme de Belarbi Abdelkader. Il est enlevé lui et son frère Cheikh puis assassinés froidement. Toujours aussi digne, le caïd Belarbi lancera à la face de ses tueurs : «Enlever les femmes et les vieillards, c’est guère digne de la soi-disant quatrième puissance du monde».
La main rouge, avec la complicité du lieutenant de SAS, a eu son dernier mot. Elle a vengé tous les colons dont les fermes furent brûlées par l’ALN. Partout dans le pays, des algériens connus pour leurs antécédents nationalistes, furent enlevés et exécutés pat la main rouge, sans aucune forme de procès.
Deux semaines après l’assassinat des frères Belarbi, les habitants de la région ont mené des actions de sabotages des lignes téléphoniques. L’ALN, de son côté, décimera une action de 13 éléments du GMPR et leur capitaine et récupérera un important lot d’armement.
En août 1963, en hommage au vieux patriote, le village de Baudens, situé à une vingtaine de kilomètres de Sidi Bel Abbès, fut baptisé au nom de caïd Belarbi Abdelkader.