Libye : Le procès de Saif al-islam al-Kadhafi n’a pas respecté les normes d’équité

Publié par DK News le 21-02-2017, 16h52 | 28

Le procès en Libye de Saïf al-Islam Kadhafi et de 36 autres dignitaires de l’ancien régime libyen n’a pas respecté les normes internationales relatives à l’équité des procès, ont indiqué lundi les Nations Unies.

Selon un rapport de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), "le procès a représenté un important effort de la part du système judiciaire libyen afin d’amener les accusés à répondre des crimes commis durant le soulèvement de 2011" mais "n’a pas respecté les normes internationales en matière de procès équitable".

Le rapport a analysé les principaux aspects du procès à la lumière des normes internationales et du droit libyen et a formulé une série de recommandations visant à remédier aux défaillances de la justice pénale libyenne mises en évidence dans le cadre du procès.

L’ONU a reconnu la difficulté de traduire en justice d’anciens membres du régime, en particulier dans un contexte de conflit armé et de polarisation politique, mais rappelle que l’organisation de ce procès soulève de nombreuses préoccupations dont les autorités libyennes doivent tenir compte.

L’Affaire 630/2012 a été suivie de près par la Manul et le HCDH depuis la phase préliminaire et tout au long de la procédure judiciaire, qui a débuté en mars 2014, jusqu’au verdict rendu en juillet 2015.
Neuf des accusés ont été condamnés à mort, y compris Saïf al-Islam Kadhafi, jugé par contumace, l’ancien chef des services de renseignement Abdullah al-Senussi et l’ancien Premier ministre libyen Al-Baghdadi al Mahmoudi.

Le HCDH et la Manul ne se sont pas contentés de suivre la procédure, directement au tribunal ou à travers les retransmissions en direct des audiences, il ont également interrogé de nombreux accusés ainsi que leurs proches et avocats, procédé à un examen du dossier et du jugement et ils se sont entretenus longuement avec des responsables libyens de même qu’avec des experts nationaux et internationaux.

Le bureau du procureur a notamment fourni de la documentation et était ouvert à toute discussion relative au procès, tout au long de la procédure.
L’ONU a identifié de graves violations des garanties d’une procédure régulière, y compris de longues périodes de détention au secret, sans parler des allégations de torture qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête appropriée.

Des avocats se sont plaints à plusieurs reprises des difficultés à rencontrer leurs clients en privé et à accéder à la documentation.
Le droit à la défense a également été compromis par le fait qu’aucun témoin de l’accusation n’a été appelé à témoigner devant la cour, a relevé l’ONU en précisant que la présentation des moyens à charge a eu lieu brièvement au cours des audiences de la cour.

Le tribunal a également limité à deux le nombre de témoins que chaque accusé pouvait appeler.
En outre, le système judiciaire libyen ne prévoit pas un mécanisme de recours complet mais uniquement le pourvoi en cassation û dont le rôle se limite à l’examen des seules questions de droit.
Il est absolument crucial que les auteurs de ces violations rendent compte de leurs actes mais le processus doit répondre à des garanties de procès équitable et de procédure régulière », a expliqué le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Zeid Raad al Hussein.

Un dossier d’instruction complet, incluant la présentation au tribunal de toutes les preuves de l’accusation, aurait grandement contribué à faire la lumière sur le contexte du soulèvement de 2011 et aurait constitué un document d’importance pour les générations futures, a soutenu l’ONU.
La Manul et le HCDH ont exhorté la cour de cassation à prendre pleinement en compte les violations de procédure régulière identifiées dans le rapport et à prévoir des recours efficaces, dans l’attente de l’adoption des réformes nécessaires en vue d’assurer la pleine conformité des procédures judiciaires libyennes avec les normes internationales.