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Témoignage/Le Moudjahid Mohamed Boudaoud, Si Mansour (invité hier du forum de DKNEWS) : Les armes de la liberté

Publié par O. Larbi le 17-10-2015, 16h51 | 1615
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Les avenues, les rues de nos villes et villages, les places publiques, les grands équipements collectifs sont baptisés du nom des héros de la lutte anticolonialiste et de la guerre de libération nationale et
du combat pour le progrès.

Tous les héros n’ont pas leur nom inscrits pour dire la gloire de tout un peuple, car ils sont heureusement bien vivants, mémoires vives mais discrète sur les hauts faits d’armes, la pudeur de rester humbles quand tant de leurs compagnons d’armes sont morts au champ d’honneur, en chouhada.

Ces survivants ont le devoir, pour les générations de l’indépendance et celles qui les ont suivies de dire leur témoignage et de remplir la sphère médiatique des premiers pas dans l’organisation politique déterminée à recouvrer la liberté pour le peuple algérien, à l’âge de l’adolescence encadrés par des hommes de grande valeur, des organisateurs de grands talents, des lutteurs déterminés. Formés à la politique par le PPA, à la lutte armée par l’OS, ces jeunes étaient l’âme incandescente du peuple qui voulait vivre en expulsant le colonialisme de sa patrie.

 

La voie des hommes libres

Né en 1926, Mohamed Arezki Boudaoud a milité dès son jeune âge en 1944 dans son village natal Taourga au sein du PPA.
En 1946, il quitte le maquis kabyle et rejoint Alger où il a continué à militer au sein du MTLD jusqu'à 1947, année où il intègre l'Organisation secrète et paramilitaire (OS), qui formait des sous-officiers pour le déclenchement de la Révolution armée. Ses chefs étaient Belouizdad, Aït Ahmed, Ben Bella : Tous lui connaissent une détermination sans faille, un courage  sans recul.
 

Missions

Au déclenchement de la révolution il est versé  dans les services de renseignement du FLN à Alger et  en 1955 il est chargé par le colonel Ouamrane, chef de la wilaya IV, de ramener des armes pour les maquis. Au Maroc,  Boudaoud crée et forme des cellules du FLN à, Rabat,  Casablanca, Meknès: « Nous avons collecté un million de centimes que nous avons envoyés au colonel Ouamrane par le biais d'un agent de liaison. Arrivé à Alger, il a remis cette somme à Ouamrane, et ce dernier lui a dit : « Tu diras à Mohamed Arezki (on me nommait ainsi en ce temps-là), nous ne voulons pas d'argent, mais des armes. »

Boudiaf l’a mis en contact avec Si Mabrouk (colonel Boussouf) et Boumediene. Avec l'Armée de libération marocaine, ainsi que les Algériens et autres volontaires qui voulaient combattre dans les rangs de la Révolution. Ceux-là ont été transférés vers la Wilaya V, à Aïn Sefra, sous le commandement du colonel Lotfi.

Officier supérieur de l'ALN et responsable de l’armement et ravitaillement général pour la région Ouest durant la Révolution de libération nationale, Mohamed Boudaoud a travaillé directement avec les principaux chefs historiques dont le colonel Boussouf, colonel Lotfi.
Boussouf, qui a repris l'armement en plus des services des transmissions générales le charge de la fabrication d’armes : c’est dans le plus grand secret qu’il choisit ses « ouvriers-moudjahid » pour les installer dans des endroits tenus secrets pour les marocains et inconnus des services d’espionnage français. A Kenitra, il était interdit aux fabricants d’armes de sortir, ce qui a failli mal se terminer ; l’intervention d’un médecin et moudjahid a permis d’éviter le pire et d’accorder des permissions au moudjahid…

Doter l’ALN d’une industrie d’armement et dans l’organisation des réseaux d’achat d’armes au profit de la Révolution tel est le défi : des grenades « anglaises » puis américaines, plus puissantes ont été fabriquées, des PM « allemands » sont sortis de ces « usines ».

 

Fabrication : Cinq unités de fabrications d’armements au Maroc.

A l’indépendance, ses unités ont réussi à fabriquer 10 000 mitraillettes dont 5 000 montées et 200 mortiers.

En plus de la fabrication des armes, il fallait fabriquer des cisailles pour couper les fils électriques.   Mohamed Boudaoud était également chargé de faire parvenir la nourriture aux réfugiés
algériens (un million au Maroc).

Après la mise en service des lignes électrifiées Challe et Morice qui ont fait de l’Algérie un pays barbelé, les usines fabriquèrent des cisailles pour couper les fils électriques qui faisaient barrage à l’entrée des moudjahidines et des armes.

 

Faits

On a pu relever des actions qui ont montré aussi bien la détermination que l’ingéniosité es moudjahidines.

Parmi les faits d’armes du commandant Mohamed Boudaoud : le rapatriement depuis le port de Cadix (Espagne) en 1956 d’un bateau contenant 70 tonnes d’explosifs, détonateurs et de cordons Bickford que les Marocains avaient achetés auparavant. L’indépendance proclamée, les Marocains prirent attache avec Boudiaf pour lui proposer le chargement. Ce dernier chargea Boudaoud de rapatrier de Cadix (Espagne) le bateau en question. La marchandise transita par Hassinia (Maroc) le 21 décembre 1956.

Vingt tonnes ont été ainsi acheminées le 22 décembre à Alger par des camions de fruits et légumes. Une autre cargaison a été affectée à Alger deux jours plus tard sans être livréemais  le contact n’était pas au rendez-vous, aussi la marchandise fut renvoyée à son lieu de départ
 

Valise diplomatique

L’autre fait marquant a eu lieu lorsque le colonel Boumediene demanda au commandant Mohamed Boudaoud de lui procurer au moins deux bazookas pour commettre des attentats et faire comprendre aux Français que la révolution continue « Pour ce faire, j’ai sollicité mes amis marocains qui ont mis à profit le voyage de Mohamed V en Egypte pour les faire entrer dans des valises diplomatiques ».

 

La jeunesse éternelle

La génération du 1er novembre 1954  tient une place unique dans l’Histoire de l’Algérie, est la quintessence des caractères permanents de la personnalité du peuple algérien : le nationalisme et le patriotisme, l’esprit de justice et d’équité, l’humanisme sont les fondements de son amour de la liberté.

Ce sont des valeurs populaires qui sont renforcées par le courage physique et politique, la détermination à atteindre les objectifs en protégeant les acteurs de la lutte, en se dotant des moyens pour la faire aboutir. Ces qualités sont toujours vivaces dans le peuple.

C’est la leçon du témoignage émouvant de Si Mansour, au Forum de DK news..

O. Larbi


À retenir...      À retenir...      À retenir...      À retenir...      À retenir...      À retenir...      À retenir...     

«Les armes de la liberté»

Contrairement aux autres ouvrages du même type, le recueil de l’ancien Moudjahid Mohamed Boudaoud, dit «Si Mansour», contient énormément d’informations et peu de commentaires, ce qui fait de lui un véritable trésor de l’histoire de la guerre de libération nationale.

Chaque chapitre vaut son pesant d’or. On apprend ainsi que l’ALN a installé 5 centres de fabrication d’armes au Maroc, chose que beaucoup de gens ignoraient jusqu’à présent. Il est également fait état de la guerre du renseignement et du contre- renseignement menée par l’armée française pour identifier les responsables à la tête des fabriques d’armes.

Le livre est illustré par des photos qui représentent les appareils d’usinage utilisés pour la confection d’armes ainsi que par des documents de l’époque.

 

Sélection des artificiers de l’ALN : «Ils avaient le choix entre monter au maquis ou fabriquer des armes jusqu’à l’indépendance»

Avant d’être sélectionné pour rejoindre les unités clandestines de fabrication d’armes basées au Maroc, chaque militaire au sein de l’Armée de libération nationale subissait deux interrogatoires. Au cours du premier entretien, on proposait un choix à la nouvelle recrue.

Prendre les armes et rejoindre les maquis ou bien intégrer les unités de fabrication d’armes à condition d’y rester jusqu’à l’indépendance. Le deuxième entretien était assuré par un médecin de l’ALN chargé du suivi de la santé physique et mentale du personnel. Au début, les conditions de travail au sein de ces unités étaient très pénibles.

Des gardes militaires étaient chargés de surveiller les déplacements des ouvriers et les permissions de sortie étaient soumises à autorisation. Cette situation a pesé psychologiquement sur les jeunes recrues qui étaient en majorité issue de l’immigration. Certains ont sombré dans la folie, d’autres ont tout simplement mis fin à leurs jours.  Après avoir soulevé ce problème au GPRA, des changements ont été opérés au sein de ces cellules et une plus grande liberté a été accordée aux membres qui les composaient.

Rachid Rachedi

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