Temoignage de M. Mohamed Nouredine boumahrat

Publié par DK News le 19-01-2015, 17h06 | 549

«  Jacques Brel !!! Quel bonhomme ! Quelle carrière et puis qu'elle fin ? Ah comment pourrais je le pressentir, le deviner ou le savoir en ce jour d'automne 1953 alors que je préparais de la seconde du lycée de Bougie dénommé a l'époque « Collège Moderne et Classique » le concours d'entrée à l'école normale de Constantine que ce personnage que je voyais sur scène au théâtre près de mon collège allait devenir le grand chanteur qu'il a été.

Oui en effet ce jour là, il débarqua à Bougie pour un récital au théâtre municipal dans la lignée des spectacles organisés pour l'Afrique du Nord et en particulier pour l'Algérie par Jacques Canetti dans les années 50. Ce dénicheur de talents et élévateur d'artistes directeur des « trois Baudets » à Paris, a ainsi organisé pour les colonies le concert de Jacques Brel de Mouloudji ainsi que de bien d'autres chanteurs des années 50-60.

Je me souviens de trois chansons qu'il a interprétées ce soir à Bejaia au cours d'un récital dont les chanteurs principaux étaient Dario Moreno, Catherine Sauvage et Philippe Clay. Chanteur encore inconnu dont cette tournée représentait sa première sortie il passait en dernier du spectacle.

Je le revoie encore avec sa silhouette dégingandée, sa grande guitare, et ses allures provinciales qui ne plaisaient pas beaucoup à la bonne société, sa voix puissante chanter « la haine », « Grand Jacques » et surtout « il peut pleuvoir » dont les premières paroles ressemblent à cela :

Il peut pleuvoir
Sur les trottoirs
Des grands boulevards
Moi j'm'en fiche
J'ai ma mie
Auprès de moi
Il peut pleuvoir
Sur les trottoirs
Des grands boulevards
Moi j'm'en fiche
Car ma mie
C'est toi
Et au soleil là-haut

Après le spectacle, je voulais le voir pour lui demander le fameux autographe que tous les fans demandent à leur idole, malheureusement j'étais tellement intimidé que je n'ai pas osé frapper à la porte des artistes qui se trouvait après le bassin du théâtre. Mais j'ai pris une décision qui consista à l'attendre devant la porte de sortie du théâtre.

En effet, j'ai eu la chance de le voir sortir seul, les fans à cette époque ne sont pas légion, il tenait une cigarette à la main, je m'approche de lui en lui demandant timidement un autographe la main tendue avec mon carnet. Il me dit alors mot à mot ceci :« Mais je ne suis pas un artiste connu, pourquoi tu me demandes un autographe ? »
Je lui répondis alors :

« Moi j'ai bien aimé vos chansons surtout Il peut pleuvoir et ça me fera plaisir de conserver ce souvenir de vous et de votre passage dans notre ville » Ah bon me dit-il rien que pour ces paroles je te signe mon autographe et je t'invite à venir prendre un Coca-Cola avec moi dans l'endroit que tu auras choisi, sachant que moi je ne connais rien de ta ville » .

Sur ce, tenant fièrement mon trophée entre mes mains je le guidais sur la place de Gueydon comme on l'a dénommé a époque, où nous nous sommes installés sur la terrasse de la Brasserie Bergue attenant à l'hôtel royal là où vécu en exil et mourut le président Portugais en exil «Manuel Teixeira Gomez » en 1941.

Après cela mes souvenirs s'embrouillent et je ne suis plus capable de répéter ce que l'on s'est dit pendant ce bref instant Je détiens encore le carnet qui conserve sa signature ainsi que celle de Mouloudji, malheureusement, il se trouve à Alger et cet envoi s'est fait depuis Paris. »
PARIS LE 06 JANVIER 2015